Opération Copperhead
Alors que Peter Ustinov (scénariste) et David Niven (premier rôle) réalisent un film de propagande destiné à polir l’image de l’armée, Winston Churchill souhaite leur confier une mission pour le moins farfelue : recruter un acteur et créer un sosie du général Montgomery (l’homme chargé de diriger le Débarquement allié) pour le promener en Afrique du Nord. Et ainsi détourner l’attention des Allemands du véritable objectif : la Normandie. Seulement voilà, Clifton James, acteur raté, manque de confiance, boit sans soif et semble dépassé par les enjeux. D’ailleurs, il ne croit pas tout à fait à cette histoire.
Comédie d’aventure mais aussi film et pièce de théâtre, Opération Copperhead est une subtile entreprise de brouillage. Car Jean Harambat (Ulysse…, En même temps que la jeunesse) s’inspire d’une histoire vraie pour la nourrir de fiction. Le vrai : les deux acteurs, Ustinov et Niven, et Clifton James, l’acteur sosie. L’opération Copperhead aussi, anecdote historique rocambolesque, véridique opération de désinformation menée par Dudley Clarke pour duper les nazis. Le « faux »: les rencontres, les dialogues, la romance, les scènes de répétition.
Jean Harambat s’amuse donc à brouiller les pistes entre fantaisie et réalisme historique tout en rendant hommage à quelques films ou cinéastes, Ernst Lubitsch en tête. Le lecteur découvre ainsi une version pop de Blake et Mortimer dans le Londres suranné des années 40. Belle prouesse graphique d’ailleurs car l’auteur, à chaque album, ne cesse d’adapter son trait aux besoins du récit : une ligne claire joviale et dynamique ici, doucement anguleuse, moderne et décatie à la fois, magnifiée par les chaudes couleurs d’Isabelle Merlet. Mais absorbé par son sujet, Jean Harambat en fait parfois trop: les nombreux textes (qui sonnent « vrai ») adaptés des mémoires des figurants n’ajoutent pas grand-chose, en plus de casser le rythme.
Pas vraiment un récit d’espionnage mais plutôt une pièce de théâtre mâtinée d’humour british, Opération Copperhead intéresse finalement moins par son histoire (un acteur de seconde zone va-t-il être capable de jouer le rôle de sa vie?) que par l’exercice de style réussi de Jean Harambat. Pour un moment de lecture plaisant.
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