« Oualou en Algérie », ou un détective maladroit en terrain miné
C’est un album auto-édité, souvent piquant et drôle, parfois maladroit ou un brin vulgaire. Mais qui, sous couvert d’humour, dénonce la situation actuelle en Algérie. Gyps (au scénario) et Lounis Dahmani (au dessin) racontent dans Oualou en Algérie l’enquête de Nadir Oualou, un détective balourd. Le jeune homme – qui, taxé d’ « imigri », se dit avec fierté aussi français que Zidane –
part dans le pays de ses parents, afin de retrouver la fille de sa cliente. Il découvrira les contradictions de l’Algérie et ses extrémismes. Le dessinateur Lounis Dahmani, 41 ans, a répondu à nos questions concernant cet ouvrage atypique – auquel Libération a consacré un article en avril dernier.
Pourquoi faire de votre héros un détective ?
C’était le prétexte idéal pour faire voyager ce personnage peu développé, qui sert surtout de vecteur à l’histoire. Il aurait très bien pu être journaliste aussi, par exemple. Mais le Jack Palmer de Pétillon, que nous aimons tous deux beaucoup, nous a influencés.
Que souhaitiez-vous dénoncer à travers ce livre ?
Nous évoquons énormément de choses, en stigmatisant surtout la loi de concorde civile. Il s’agit d’une amnistie concernant les gens qui ont exercé des activités terroristes, mais n’ont pas eu de sang sur les mains. Hélas, beaucoup de témoignages de victimes démontrent que les bourreaux d’hier sont les amnistiés d’aujourd’hui…
Comment Oualou en Algérie est-il né ?
Gyps et moi nous sommes rencontrés en Algérie, dans un journal d’opposition où nous exercions comme dessinateurs de presse au début des années 90. Depuis que nous nous connaissons, nous évoquons l’idée de faire une bande dessinée ensemble. Nous avions déjà collaboré pour des dessins d’humour ou des planches publiées dans la presse. En 2005, Gyps m’a reparlé de ce projet commun, puis m’a remis un an plus tard le scénario de Oualou en Algérie.
Comment avez-vous procédé pour le mettre en images ?
Mon principal problème a été le manque de documentation. En 2006, trouver des photos récentes d’Algérie était un véritable casse-tête. Il existait très peu de livres, et sur Internet les photos n’étaient pas utilisables. Au fil des années, j’ai pu trouver plus de matière, notamment des photos de la gare d’Oran, par exemple. J’ai mis cinq ans à dessiner l’album sur ma tablette PC.
Pourquoi votre ouvrage paraît-il en auto-édition ?
Nous l’avons proposé à tous les gros éditeurs français et à quelques petits, sans succès. Alors nous nous sommes lancés par nous-mêmes. Nous l’avons fait imprimer à Beyrouth, où j’avais déjà fait imprimer mon album Blagues made in Algeria – et où le coût d’impression est moindre qu’en Europe.
Quel est votre parcours ?
J’ai vécu en France jusqu’à l’âge de 16 ans, puis suis parti en Algérie. Depuis mon enfance, je dessinais tout le temps – d’abord des super-héros, mais mon niveau n’était pas terrible ! J’ai passé un mois et demi aux Beaux-Arts d’Alger, mais n’y suis pas resté car je m’y sentais totalement livré à moi-même. J’ai poursuivi le dessin en autodidacte, avec des influences variées : John Buscema, Maëster, Quino, Jodi Bernet, Mandrafina, Eduardo Risso… Je suis devenu dessinateur de presse, et suis revenu en France en 1995 [alors que l’Algérie est en pleine période terrorriste]. Aujourd’hui, je suis ingénieur en informatique, et je réalise de la bande dessinée sur mon temps libre.
Quels sont vos projets ?
J’ai scénarisé le deuxième épisode de Lost Conquistadores, dessiné par Juan Maria Cordoba. L’album devrait paraître à la fin de l’année aux éditions Tartamudo. Et, avec Gyps, nous avons trouvé un éditeur – Dalimen – prêt à publier Oualou en Algérie.
Propos recueillis par Laurence Le Saux
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Oualou en Algérie.
Par Lounis Dahmani et Gyps.
Album audo-édité, 12€, paru le 5 février 2011.
Possibilité de commande sur le site de Lounis Dahmani.
Images © Gyps/Lounis Dahmani.
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