Pendant ce temps
Dans ce petit quartier pavillonnaire de la banlieue de Stockholm, l’information a fait son chemin entre les haies bien taillées et la cour de récré : alors qu’il finissait les travaux de son nouveau pavillon pour emménager avec sa femme et ses deux enfants, Odd, père de famille a priori ans histoires, a disparu. Et pourtant… Ce mystère ferait presque pâle figure dans le ballet existentiel de tous les autres protagonistes de Pendant ce temps, qui, eux, sont bien là. Même si peu semblent le souhaiter.
Dans la famille affligée, l’épouse délaissée fouille les tréfonds du web le plus trash, effrayée à l’idée d’y trouver une vidéo de la mort de son mari. Son attachante sœur, venue en renfort, tente de nourrir un podcast artistique de son mal-être existentiel. Elles trouvent les voisins d’en face un peu trop inquisiteurs. Normal : d’une beaufitude pathétique, ce père de famille est plus travaillé par cette disparition que par son propre entourage. À savoir, son épouse, perdue quelque part sous sa couette entre dépression et extase philosophique et son fils, collectionneur de papillons morts harcelé par ses camarades de classe.
L’atmosphère absurde d’étrangeté familière dans laquelle baigne ce récit choral singulier avance avec astuce et humour noir sur le fil qui sépare le malaise de l’humanité, renforcée par un graphisme qui, tout en restant simple (et mignon), prend une dimension contemplative sous le rythme ralenti des planches ultra-découpées. La recherche graphique, parfois très cinématographique, donne une dimension très originale à l’album, notamment sur des récits de séance de psychothérapie, très réussis.
Pelle Forshed tisse peu à peu des liens entre les êtres et leurs solitudes, leurs bonnes et leurs mauvaises intentions. Dans une ambiance très épurée aux couleurs froides surgissent des détails incongrus, un adorable bonnet Pikachu ou un horrible masque de médecin de peste, dont l’importance prise aux yeux des protagonistes déroute puis amuse. Et quels sont ces bruits dans la tuyauterie ?
Avec Pendant ce temps, Pelle Forshed creuse le mal-être pour faire surgir de ses personnages ce qu’ils ont de plus authentique et touchant, dans la maîtrise d’une intrigue au dénouement jouissif.
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