Pennac et Benacquista : deux romanciers pour un cow-boy
Ils succèdent à Laurent Gerra au scénario de Lucky Luke. Les romanciers Daniel Pennac (Au bonheur des ogres, Messieurs les enfants) et Tonino Benacquista (Malavita, Saga) s’allient pour mettre le tireur le plus rapide de l’Ouest dans une mauvaise posture : le voilà en retraite forcée par la faute d’Allan Pinkerton, détective privé aux méthodes aussi modernes que douteuses. Les deux écrivains reviennent sur ce travail de commande effectué dans un esprit bon enfant.
Pourquoi reprendre Lucky Luke ?
Tonino Benacquista : Dargaud nous l’a proposé il y a un an et demi, sachant que Pennac et moi étions de grands amis, et que nous avions chacun déjà fait de la bande dessinée [Daniel Pennac a écrit La Débauche pour Tardi, et Tonino Benacquista a scénarisé Dieu n’a pas réponse à tout, L’Outremangeur ou encore L’Amour cash].
Daniel Pennac : Nous avons été agréablement surpris par l’idée !
Quelle place occupe ce cow-boy dans votre imaginaire ?
T.B. : Je l’associe à des souvenirs d’enfance. C’est une institution qui m’a fait rêver, qui regroupe toutes les figures légendaires de l’Ouest, de Jesse James à Calamity Jane, en passant par Billy The Kid.
D.P. : Moi, gamin, j’ai d’abord lu Tintin. J’ai connu Lucky Luke à l’adolescence. J’étais de la génération Pilote, et René Goscinny me faisait l’effet d’un grand frère.
Comment définiriez-vous Lucky Luke ?
T.B. : Ce qui est notable et attendrissant chez lui, c’est sa solitude. A chaque fois, c’est une fatalité : il repart seul, sur son cheval. Il ne fait que traverser les histoires et repart. Il partage cette caractéristique avec Philip Marlowe [personnage de détective privé créé par le romancier américain Raymond Chandler].Lucky Luke est en cela très différent d’Astérix, qui n’existe pas sans son camp autour de lui. C’est aussi un héros placide, qu’il faut énerver pour qu’il daigne montrer son agilité.
D.P. : Lucky Luke est un fil conducteur entre les albums. Tous valent par ce qui s’y passe, ce qui s’y dit, et l’utilisation des autres personnages qui sont tous plus frappants que Lucky… On retient la bêtise de Rantanplan, ou la méchanceté de Joe Dalton, mais pas grand chose de Lucky Luke.
Qui est son adversaire Pinkerton ?
T.B. : Il a réellement existé, et apparaît dans des polars américains des années 30 et 40. Allan Pinkerton a fondé une agence de détectives privés, briseurs de grève, hommes de main, espions industriels…Il a eu une vie romanesque: tonnelier de profession, il est mort en se mordant la langue.
D.P. : Pinkerton est en quelque sorte le fondateur de l’ancêtre du FBI ou de la CIA. Il a été embauché par Lincoln pour assurer sa sécurité et façonner un service de renseignements. C’est un homme intéressant, qui a d’abord été progressiste, abolitionniste, avant de transformer sa troupe de détectives en espèce de milice.
Dans quel esprit avez-vous scénarisé cet épisode ?
T.B. : Il s’agissait de rester dans celui de Goscinny, sans s’approprier Lucky Luke ou essayer de faire passer des messages.Nous sommes restés fidèles aux personnages, nous avons fait intervenir les Dalton ou Rantaplan, et ajouté des scènes de genre dans un saloon ou un canyon.
D.P. : Pas question de faire une parodie ou une imitation. Nous voulions vraiment nous inscrire dans une continuité : il y a eu beaucoup d’épisodes de Lucky Luke avant nous, et il y en aura après !
Comment avez-vous travaillé ensemble, et avec le dessinateur Achdé ?
D.P. : Nous avons beaucoup marché ensemble pendant nos vacances dans le Vercors, en discutant. Après quelques discussions pour épuiser deux ou trois sujets concurrents, nous avons construit la structure, puis des séquences, en échangeant des mails. Achdé a ensuite rajouté beaucoup de gags visuels en réalisant l’album.
Quels sont vos projets en matière de bande dessinée ?
D.P. : Nous allons nous lancer dans une nouvelle aventure de Lucky Luke. Il s’agit maintenant de trouver une bonne idée…
T.B. : J’ai scénarisé Les Amours insolentes pour Jacques de Loustal, qui va bientôt être publié par Casterman. Et j’ai écrit une histoire originale pour Nicolas Barral, qu’éditera Dargaud.
Propos recueillis par Laurence Le Saux
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Les Nouvelles Aventures de Lucky Luke #4.
Par Achdé, Tonino Benacquista et Daniel Pennac.
Dargaud / Lucky Comics, 9,95€, le 15 octobre 2010.
Images © Dargaud. Photo © Dennis Wile 2010
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Un bon Lucky Luke, sur le plan du dessin comme du scénario :
Un dessin encore plus « Morrisien » (cela se dit ?) d’Achdé, qui ne fait plus ces petits débordements / croisements de traits sur le bout du nez par exemple (je ne sais pas si je suis clair ! Regardez les nez pointus dans les précédents Lucky Luke d’Achdé et vous comprendrez).
Le scénario se tient bien, entre humour et aventure. Le début de l’album, quand Lucky Luke passe pour un looser, est particulièrement jouissif. -
Un bon Lucky Luke, sur le plan du dessin comme du scénario :
Un dessin encore plus « Morrisien » (cela se dit ?) d’Achdé, qui ne fait plus ces petits débordements / croisements de traits sur le bout du nez par exemple (je ne sais pas si je suis clair ! Regardez les nez pointus dans les précédents Lucky Luke d’Achdé et vous comprendrez).
Le scénario se tient bien, entre humour et aventure. Le début de l’album, quand Lucky Luke passe pour un looser, est particulièrement jouissif.
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