Née au milieu des années 1960 dans l’esprit de Jack Kirby (Kamandi, OMAC...), Le Quatrième Monde est peut-être la porte idoine pour entrer dans l’univers du roi des comics, passé à l’époque de Marvel à DC Comics. C’est l’éternelle histoire du Bien et du Mal, de la guerre et de la paix incarnés par deux planètes se livrant un combat titanesque, Néo-Génésis et Apokolips. D’un côté, le mythique Darkseid, maître tout-puissant d’Apokolips, est en quête de l’équation d’Anti-vie, source d’un contrôle absolu sur les consciences. De l’autre, le Haut-Père, est pourtant ouvert à la détente. Au final, Darkseid va bien lorgner sur la Terre, son terrain de chasse privilégié, persuadé que la solution se trouve là-bas…

Concrétisant une saga au souffle épique, Kirby avait dans l’idée de créer son propre panthéon de dieux éternels, olympe intersidérale élevée sur les ruines de Ragnarok, un monde révolu. Dès lors, quoi de mieux que de consacrer chaque numéro à l’évocation d’un de ces groupes divins… Dans ce premier volume, Urban Comics a fait le choix de présenter les numéros dans l’ordre de parution américain, d’où une intrigue parfois heurtée en termes de chronologie. Mais là n’est pas l’essentiel puisque l’on retrouve dans cette saga mythique tout le charme et la puissance de l’univers de Jack Kirby qui, replacés dans leur contexte historique (guerre du Vietnam, mouvement hippie, découverte et connaissance de l’ADN), n’en sont que plus intéressants et profonds.

Plus qu’une BD, la saga sonne comme un horizon conceptuel d’une originalité et d’une ambition folles, où le génie visionnaire et le recul critique de l’auteur s’expriment avec la plus grande force, d’autant plus que l’oeuvre reste inachevée. Origine du Mal, essence de la cruauté ou volonté de puissance, ressorts d’un monde en proie à la disparition, innervent sans cesse l’esthétique et la narration pour dessiner in fine le portrait d’une sombre modernité à venir. Plus simplement, il suffira d’apprécier le dynamisme des compositions et la fluidité du trait, embellis par le psychédélisme des couleurs, allégeant un peu l’ensemble quand le récit se fait plus complexe. En convoquant notamment la Bible et ses personnages pour les transposer dans notre modernité un peu folle, Kirby voulait intéresser un large lectorat aux enjeux philosophiques et métaphysiques de l’univers sans l’ennuyer. Un pari largement réussi pour un des incontournables du maître. En prime, une préface de Grant Morrison et une postface signée Mark Evanier, son biographe officiel, pour mieux comprendre le mythe. Une réédition à ne pas manquer.

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Le Quatrième Monde #1 (intégrale).
Par Jack Kirby.
Urban Comics, 35 €, janvier 2015.

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