Poisons
Lili Zhang est une petite orpheline vivant chez sa grand-mère campagnarde depuis l’abandon de sa mère. Les moqueries sont quotidiennes pour cette élève d’école élémentaire. Il faut dire que son comportement taciturne, sa vie en retrait, ses notes abominables en font la plus mauvaise élève de sa classe. Ou plutôt l’avant-dernière, juste devant une camarade handicapée mentale, qui, à défaut, est également sa meilleure amie… Enfin, presque. Lili en a surtout ras le bol de cette vie-là et se dit qu’il serait temps d’y mettre un terme.
Depuis le succès de La Balade de Yaya, Golo Zhao enchaîne les titres à une vitesse folle et se laisser aller à des chemins qu’il n’avait jusqu’alors pas parcourus. Contrairement aux habitudes du genre, il joue la mise en scène de ce tragique événement à contrepied. Abordant son histoire morbide par une tranche de vie aux belles ambiances colorées, il désarçonne en lui donnant un côté réaliste et distant. S’il a le mérite de le faire avec honnêteté et sans artifice dans ce récit, il faut reconnaître que l’ensemble semble manquer de sentiments et d’empathie. Le traitement faussement léger peine à saisir le lecteur. L’enquête est quant à elle un peu facile. Il en résulte un one-shot surprenant, pas aussi frontal, dur et éprouvant qu’il aurait pu être. Mais c’est aussi ce qui le rend unique et qui lui procure toute sa force.
Il est aussi important de savoir que cette histoire est tirée d’un fait divers qui a ébranlé la Chine en 2015. De nombreuses thématiques importantes y sont abordées : le harcèlement scolaire, le rejet, le handicap, la perte de repère, la pauvreté et les conditions de vie en Chine… Car comme nous l’indique l’édifiante postface de Patrick Saint-Paul, ces « enfants abandonnés » sont un véritable phénomène de société en Chine. Leur nombre ne cesse de grimper, les parents rejoignant les grandes villes pour trouver du travail et laissant leur progéniture à leurs propres parents ou à des proches.
Hantée par la perte de la figure maternelle, Lili semble inexpressive et impassible, mais Golo Zhao arrive à nous faire comprendre ce qu’elle ne nous montre pas. L’aspect graphique très coloré et l’ambiance joyeuse qu’il semble susciter entrent en désaccord avec le propos. Et cela accentue d’autant plus cette scission étrange entre les événements rapportés et la réalité de ce que l’on voit sur les planches. Planches qui sont d’ailleurs très aérées et se lisent vite. La narration est très fluide et chaque page comprenant en moyenne tout au plus 4 ou 5 cases, ce qui explique que les 130 pages sont rapidement lues et qu’elles méritent une seconde lecture.
POISONS © Zhao Golo, 2017 Assistant : Qing Shui Tang All rights reserved – Traduction : Bedel Tchouan
Articles Récents
Commentaires Récents
- Gance sur Le Cas David Zimmerman { Pas grand chose à ajouter à cette excellente critique, si... } –
- MTR sur Angoulême 2025 : la sélection officielle { Je pense que le grand changement dans la composition de... } –
- Natacha sur BD Colomiers : un programme pointu et engagé { J'étais à cette édition du festival, du vendredi au dimanche... } –
- Zorg sur BD Colomiers : un programme pointu et engagé { Bon, je dois faire amende honorable... J'étais au festival aujourd'hui... } –
- Zorg sur BD Colomiers : un programme pointu et engagé { Merci pour votre travail. Je suis cependant très circonspect voire... } –
- Flo sur Doctor Strange : Fall Sunrise { Attention, gros morceau artistique ! Le dessinateur Tradd Moore, sa... } –
Publiez un commentaire