Pour quelques degrés de plus
Ulysse Gry n’a pas choisi la facilité pour son nouveau projet : un récit en forme de road-movie apocalyptique sur une Terre qui s’est bien trop réchauffée. Ou plutôt trois récits, à lire parallèlement, l’un par-dessus l’autre, dans des planches au format à l’italienne. En haut, le monde a pris 2 degrés, et les humains gèrent la crise à coups de villes-bulles climatisées et de masques à oxygène sur les aires d’autoroutes. Au milieu, on est à +3 degrés et c’est la guerre partout. En bas, le réchauffement a atteint +4 degrés, et c’est tout simplement l’enfer post-effondrement. Dans ces trois récits, on suit la cavalcade de Josh – soit chasseur de primes, soit trafiquant d’organes, soit fou à lier drogué jusqu’aux yeux – à travers une Amérique plus ou moins cramée, aux mille dangers (nuages de particules, tueur sans scrupules, secte, milice…).
L’idée du dessinateur d’Un monde en pièces est aussi alléchante qu’ambitieuse : en extrapolant à peine les pires scénarios des experts du climat, il crée trois décors d’une planète plus ou moins exsangue, et y joue trois thrillers arides et absurdes, entre Sergio Leone et les frères Coen. Et il n’hésite pas à s’amuser avec son dispositif, en usant de la double-page avec espièglerie, et en faisant des croisements entre les trois réalités. Hélas, le principe tourne rapidement à vide, et la grosse farce prend le pas sur la subtile fable, desservant le propos écologiste de base. En effet, si certaines conséquences futures du réchauffement actuel de la planète sont glissées ici ou là, elles disparaissent sous le vaudeville à mains armées qui sert de trame à la fuite en avant des trois Josh. On sourit de quelques trouvailles ou de clins d’oeil, mais cela ne suffit pas à sauver l’ensemble, d’autant que lire ces trois lignes temporelles concomitamment se révèle pénible à longue, et que le dessin est d’une tenue trop aléatoire selon les pages. Une vraie déception, compte tenu de l’originalité de l’idée initiale.
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