Premier baiser, dernier souffle
Gilad a 18 ans, des envies de dessin plein la tête et les mains, davantage que de vivre son futur service militaire obligatoire. Mais en ce mois de juillet 1985, il pense surtout à passer une belle journée au festival de musique d’Arad avec ses amis. À peine arrivé, il rencontre Nathalie, séduisante jeune femme de son âge, à l’assurance attirante et au regard magnétique. Mais la journée va tourner court : une énorme bousculade fait plusieurs blessés, et même des morts.
Pour revenir sur cet événement qui a marqué son entrée dans l’âge adulte, l’auteur israélien Gilad Seliktar (Tsav 8, Ferme 54) adopte un style proche du carnet de croquis, comme s’il peignait sur le vif cette journée pas comme les autres. Des dessins à l’encre, jetés sur le papier, saisissant un regard interrogateur, un sourire gêné, un geste de la main fugace. Puis la multitude, le mouvement de foule, les jambes et les pieds qui s’entremêlent, le poids des corps qui tombent. Le manque d’air, la douleur, la perte de repères. La couleur jaillit, pour renforcer la peine, l’incompréhension et la souffrance. Le procédé est maîtrisé, le rendu efficace : on vit ces instants aux côtés de Gilad, entre tension extrême et parenthèse enchantée d’une amourette d’un jour, brossée avec une belle délicatesse.
Toutefois, une fois refermé l’ouvrage, il reste un goût de trop peu, l’impression d’avoir vécu un moment intense mais au final assez anecdotique. Et surtout d’avoir payé un peu cher les quelques minutes de lecture (très peu bavard, l’ouvrage se dévore très vite). La forme du livre – cartonnage soigné, papier élégant – interroge alors pour ce type de projet, intime et bref, sans doute trop pour un si bel et coûteux objet.
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