Psychonautes
C’est, en apparence, calme et serein. Le panorama déroule ses arbustes chétifs sur un enchaînement de collines sans âmes. Plus loin, la mer, un quai déserté. Dans son arbre aux branches nues, un drôle de petit personnage est engoncé dans un nid étriqué. Ses grands yeux noirs disent tout le dépit qu’il y a à vivre sur cette île désolée. Pourtant, Birdboy s’entraîne dur. Il aimerait savoir à voler. Sa seule amie, c’est Dinky la jolie petite souris. Mais depuis que son père a disparu dans l’explosion de l’usine, celle qui a ravagé toute l’île, Dinky n’a plus goût à rien. Encore moins lorsqu’elle affronte son ignoble beau-père dévot.
Le quotidien de ces deux marginaux, ces Psychonautes — du titre de ce récit d’Alberto Vázquez —, c’est la drogue. C’est la seule échappatoire à ce lieu aux contours post-apocalyptiques dont les habitants, petits animaux variés, semblent engoncés dans la pollution, la misère, la répression et l’injustice. Les deux bestioles, héros marginaux, parviendront-elles à s’enfuir? Difficile de trouver une once d’espoir dans cet album.
Mignon et terrifiant, noir mais doux : c’est en jouant sur des registres très éloignés que l’auteur espagnol donne à Psychonautes sa force narrative et poétique. Le découpage plutôt dense est contrebalancé par une narration qui prend son temps, souvent contemplative, habillée d’un trait à l’encre souple et léger et de paysages ornés de fines arabesques.
Surprenant, malaisant, l’ouvrage dégage une ambiance qui évoque celle d’un Étrange Noël de Monsieur Jack, qu’on aurait mêlée à l’univers de Fight Club avec l’idée d’en sortir un remake des Petits Malins. Pas étonnant donc que ce livre publié en 2006 en Espagne et traduit aujourd’hui chez Rackham ait été d’abord adapté en court-métrage, et présenté cette année en version longue au festival international du film d’animation d’Annecy.
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