Quand la nuit tombe
Ao et Takaomi sont amis depuis le collège. Ils ont appris à s’apprécier avec le temps, et un jour d’été de leurs 17 ans, pile au moment où ils étaient enfin prêts à se révéler les sentiments qu’ils éprouvaient l’un envers l’autre, un drame est venu balayer toutes possibilités de rapprochement : le père d’Ao est arrêté pour avoir violé la mère de Takaomi.
Là où la plupart des récits se centreraient sur les sujets principaux de cet acte criminel, Rie Aruge garde son regard porté sur les victimes collatérales que sont Ao et Takaomi. Intègre de bout en bout, Takaomi ne rejettera pas Ao, comme le feront sans préjudice ses camarades de lycée, il gardera même l’attirance si forte qu’il avait pour elle, bien qu’il leur soit totalement impossible de vivre quelque aventure que ce soit dans ce contexte. Subissant de plein fouet les conséquences de ce viol, la femme du violeur divorce et part avec sa fille Ao vivre dans sa famille. Éloignés par l’espace et le temps, les deux amoureux ne s’oublient pas, mais ne rentrent pas pour autant en contact l’un avec l’autre, tiraillés entre la culpabilité, le doute, la peur du jugement, la volonté de passer à autre chose et l’appréhension de réveiller toute la haine qu’ils ont dû encaisser malgré eux.
Après sa bouleversante et très juste série sur le handicap Perfect World, Rie Aruga nous revient avec un one-shot riche à bien des niveaux. En plus de mettre en lumière les blessures de ceux qui ont subi les conséquences d’actes dont ils ne sont pas responsables et qu’on a généralement coutume de mettre de côté ou de minimiser, la mangaka brosse le portrait d’une société, pointe du doigt le rejet d’autrui et met en exergue les dégâts et la honte familiale que doivent porter les proches. Avec la finesse psychologique qu’on lui connait, elle s’attache également à dépeindre les traumatismes sourds et les difficultés de reconstruction de chacun.
En 7 chapitres et moins de 200 pages, Rie Aruga approche de nombreuses thématiques et pistes d’évolutions, mais ne donne pas pour autant de réponses toutes faites. Elle ne se tourne pas non plus vers ce qui pourrait être une résolution facile de cette situation et prouve une nouvelle fois qu’elle sait parler de sujets importants en les traitant en profondeur, mais aussi avec réalisme et attention. L’autrice a récemment commencé une nouvelle série au Japon, dire qu’on a hâte de la découvrir n’est qu’un doux euphémisme !
Rie Aruga / Kodansha Ltd. – Traduction : Yuki Kakiichi et Nathalie Bougon
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