Ratgod
Clark Elwood, professeur de l’université de Miskatonic, tombe éperdument amoureux de la belle Kito, originaire d’un « trou à rats », Lame Dog, village indien fait de bicoques et de maisons délabrées depuis la fin de la ruée vers l’or. Mais amer de s’être séparé de la seule femme qu’il ait jamais aimé, Elwood va tenter de retrouver Kito même si pour cela, il va devoir affronter les inquiétantes forêts du Massachusetts, la lugubre Lame Dog, ses rites sacrificiels et ses divinités monstrueuses ou oubliées…
Après Ragemoor ou encore Esprit des Morts, Richard Corben revient une nouvelle fois avec un récit d’horreur d’inspiration lovecraftienne, peuplé de monstres grotesques et de divinités effrayantes, dans un décor lugubre de fin de monde triomphant de luxuriantes forêts amérindiennes, cannibalisées par la ruée vers l’or. Quand la culture triomphe de la nature, les forces ancestrales se réveillent : corps momifiés bien réels, créatures païennes aux effrayantes grimaces, bestiaire innommable et liturgies nocturnes célèbrent ou réactivent les âmes ténébreuses pour mettre à mal l’impossible amour d’Elwood et Kito.
Seul aux commandes, Richard Corben patauge pendant deux chapitres : narration expédiée ou confuse, embardées verbales sans ressort, dialogues tout aussi lapidaires, l’histoire peine à s’installer. Et puis, troisième chapitre, la magie graphique prend le pas sur les errances du scénario. Car s’il est un domaine où Corben n’a rien à apprendre de personne, c’est bien le graphisme, exceptionnel. Tout autant que la capacité de l’auteur à bâtir des décors hantés et poser des ambiances fantastiques par son sens des compositions nerveuses : l’épouvante se mêle à la froide étrangeté, la peur lancinante à l’ironique parfum de mort, dans un récit traversé autant par les légendes enivrantes que le désespoir morbide. C’est bien simple, on flippe mais jamais gratuitement. Et malgré des ficelles parfois grossières, Corben effraye comme nul autre en seulement quelques coups de crayons, dans un style visuel inimitable, posé entre l’exubérance calculée et la photographie kitsch.
Résultat, un final d’anthologie, un must d’expressivité et d’épouvante par le maître incontesté de l’horreur. Alors certes, côté scénario, on a vu plus original et palpitant mais face à un tel talent, à vous glacer le sang comme la splendide couverture, on veut bien tout pardonner.
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