Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image

BoDoï, explorateur de bandes dessinées – Infos BD, comics, mangas | December 22, 2024















Retour en haut de page

Haut de page

No Comments

Rémi Guérin et Guillaume Lapeyre : l’interview des fantasmes

22 décembre 2014 |

Guillaume Lapeyre - Rémi Guérin©Anaïs Vachez Et si Jules Verne donnait la réplique à Arthur Conan Doyle, dans un Londres victorien où le papier, interdit, permettrait les rêves les plus fous ? Tout ce qui serait décrit noir sur blanc prendrait vie ! C’est le monde qu’ont imaginé Rémi Guérin (scénariste) et Guillaume Lapeyre (dessinateur) dans leur manga à la française, City Hall. Une sorte de Ligue des Gentlemen extraordinaires croisée avec Death Note, qui convoque un florilège de personnalités d’époque (de Nikola Tesla à Amelia Earhart) dans une enquête aux effluves steampunk. L’humour affûté et l’amitié complice, les deux rêveurs se sont prêtés à l’interview des fantasmes.

city-hall_image2Et si vous étiez publiés au Japon ? Ça vous plairait, sachant que Nicolas De Crécy vient d’y débuter une série ? [La République du Catch, ndlr, à paraitre en 2015 chez Casterman]

Rémi Guérin : On a vu ça, bravo ! C’est une super opportunité pour lui. Et puis, surtout, la porte est enfin ouverte…
Guillaume Lapeyre : Être publiés au Japon ? Oui, ce serait génial. Mais le rythme de travail m’aurait déjà tué !
R.G. : Il serait mort de fatigue et de joie en même temps !

Vous préférez travailler à l’occidentale ?

G.L. : Hé bien… oui. Je ne subis pas la publication hebdomadaire. En même temps, je n’ai pas d’assistant. Enfin si ! Il y a Elsa Brants, mon épouse, qui publie d’ailleurs Save me Pythie chez Kana – placement de produit discret !
R.G. : Yes ! [rires]
G.L. : Voilà. On l’a placé. Elle m’aide sur certains décors pour que ça aille plus vite. Après, je mets quatre ou cinq mois pour faire un volume. J’aimerais en sortir un tous les trois mois. Mais il me faudrait l’infrastructure derrière, quoi. Après, on adorerait évidemment se retrouver dans un magazine japonais.

Et une traduction au Japon ?

G.L. : Oui mais… c’est délicat. C’est bien de rêver, mais c’est bien de se réveiller aussi.
R.G. : Déjà, City Hall a un sens de lecture européen, c’est un choix qu’on a fait…
G.L. : Oui ! Du coup il faudrait flipper toutes les cases, et là du coup tu te rendrais compte que je dessine super mal.
R.G. : On pourrait pas, il dessine trop mal. C’est la morale de l’histoire. [Guillaume éclate de rire] Le scénar’ pourrait suffire mais ce serait un roman, du coup !
G.L. : J’ai discuté, hier, dans le van qui nous ramenait à l’hôtel avec Tony Valente de Radiant, autre excellente série de chez Ankama – deuxième placement de produit, merci beaucoup ! – qui disait qu’une publication directe au Japon, en mensuel, on pourrait le faire. Et c’est vrai, il a raison. En mensuel. En hebdomadaire, ce serait l’enfer.
R.G. : Au niveau des délais c’est hyper confortable de bosser à l’occidentale, c’est une certitude.

city-hall_image1
Mais vous préférez tout de même préparer un volume entier plutôt qu’un chapitre à la fois?

G.L. : On travaille chapitre par chapitre, depuis le début.
R.G. : Je ne fournis jamais un bouquin en entier, en fait.
G.L. : Parce que t’es une grosse flemmasse.
R.G. : Donc on pourrait bosser chapitre par chapitre, ça ne changerait pas grand chose.
G.L. : Et ça me va. Parce que du coup je sais où tu veux aller, dans les grandes lignes, mais j’ai besoin d’être surpris à chaque fois. C’est cool, j’ai l’impression d’avoir mon petit épisode à moi tout seul, quand tu me le racontes.

Vous êtes un couple, quelque part.

R.G. : C’est ça. Artistiquement, oui, c’est le cas.
G.L. : Artistiquement, alors !
R.G. : C’est bien de préciser, parce qu’après les gens vont se faire des idées.
G.L. : C’est déjà le cas.

Et s’il fallait expliquer la différence entre le manga français et le manga japonais ?

G.L. : Le manga français est fait par des Français et le manga japonais est fait par des Japonais. Il y a le bon manga et le mauvais manga, tu vois. Le bon manga, c’est en noir et blanc, c’est 160 pages, il y a une couverture souple, une jaquette… Et le mauvais manga c’est 160 pages, il y a une jaquette…
R.G. : …c’est en noir et blanc… [rires] Alors, je vais juste apporter un bémol et faire un placement de produit pour un autre éditeur – Nazir [Menaa, attaché de presse d’Ankama] va me tuer ! Glénat vient de sortir Cagaster : l’auteur est japonais et ça sort uniquement en France. C’est un achat, pas une trad’. Il y a aussi des mangas français qui sont réalisés par des Japonais, donc bon !
G.L. : Ah, bravo.
R.G. : Techniquement, en termes de pur produit, il n’y a pas beaucoup de différences. Pour moi c’est un format, le manga.
G.L. : Oui, peu importe le format tant que l’histoire est bonne. Si tu veux absolument catégoriser et appeler ça du “global manga” parce qu’on est français, pourquoi pas.
R.G. : Tant que tu n’utilises pas les mots “manfra” ou “franga”, qui sont vraiment très moches. On a l’impression que t’es en train de manger un truc quand tu parles. Pour le reste c’est bon, tu peux.

city-hall_image3

Et si City Hall était une BD franco-belge, comment la verriez-vous ?

city-hall_couv6G.L. : En 94 volumes !
R.G. : Voilà. Avec un éditeur qui nous dirait, au troisième volume : “On ne pourra jamais aller au bout, c’est trop cher !” [éclat de rire] Pour être sincère, on s’est posé la question, au tout début, de savoir quel format on allait utiliser. En franco-belge, on n’aurait pas pu développer les personnages ni l’univers. Ce serait un chapitre de City Hall. Un ersatz d’un petit bout de quelque chose qui… non, ça n’aurait pas marché.
G.L. : Et surtout, on aurait placé Jules Verne en reporter et Arthur Conan Doyle en petit chien blanc, ça aurait été n’importe quoi.
R.G. : Voilà, avec une houppette. Le format manga a justement cet avantage que la BD franco-belge n’aura jamais – je le sais parce que je continue d’en faire, et Guillaume en a dessiné aussi pendant quelques années. En BD, quand tu arrives au moment de faire ton découpage, tu te dis “Ha, mince, je viens d’enlever 80% de mes idées parce que je n’avais pas la place de les mettre !” Et à la limite, les gens te diront que c’est pas grave, que tu as gardé l’essentiel. Mais en vérité, non, quand tu racontes une histoire et que tu développes un univers, les 20% qui restent ce n’est pas l’essentiel…

Le franco-belge sur lequel vous travaillez en dehors de City Hall, c’est donc une frustration ?

R.G. : Oui, c’est une énorme frustration. Je souffre beaucoup. C’est hyper contraignant, d’être bloqué dans 46 ou même 54 pages. Aujourd’hui, on réfléchit à l’après-City Hall et les seules options qu’on ait – parce qu’on va continuer à bosser ensemble – sont des solutions au format manga, encore.
G.L. : Après, il y a des auteurs de franco-belge qui arrivent très bien à respecter cet espace.
R.G. : Oui, oui, c’est un talent ! Moi non, je ne sais pas le faire.

city-hall_couv1Et s’il fallait avouer de quels auteurs vous êtes jaloux ?

G.L. : Ouah… [Il marque une pause] Stephen King ?
R.G. : Non mais tu choisis le seul qui n’est pas un auteur de BD !
G.L. : Il est auteur de BD, Stephen King ! Ben oui, La Tour sombre, c’est lui qui fait le scénar’ !
R.G. : Ah oui, c’est vrai ! Hé bien moi ce serait son fils, Joe Hill. Je viens de lire Locke & Key : je crois que c’est la meilleure BD que j’aie jamais lu. Vraiment. Et cette manière de raconter, de créer une ambiance en très peu de pages, justement… Même si ce sont des formats plus gros que les européens. Il a un style d’écriture, tu sais… vraiment phénoménal. Alan Moore, aussi.
G.L. : Côté dessinateur, il y a en plein… Obata [Les héros de City Hall sont ouvertement inspirés de ceux de Bakuman, ndlr], Murata… Eiichiro Oda, aussi, je suis en admiration devant sa productivité. Guarnido, Marini…

Et s’il ne fallait en retenir qu’un chacun ?

R.G. : Je reste sur Joe Hill.
G.L. : En scénariste… Steven Moffat [de la série britannique Sherlock, ndlr]. J’aimerais bien que tu dégages un peu et que Steven vienne faire mes trucs, tu vois ! Ce serait bien !
R.G. : Je l’ai eu au téléphone tout à l’heure, il m’a dit : “Je vais attendre qu’il sache dessiner” [rires].
G.L. : D’accord. Il faut oublier, OK. Donc Steven je te ch…
R.G. : Tu peux pas dire ça, c’est pour BoDoï !
G.L. : Ah, pardon.

Et si chacun devait plutôt complimenter l’autre ?

R.G. : Alors, il y a beaucoup de choses que j’aime dans le trait de Guillaume mais ce que j’aime le plus, c’est qu’il est le seul dessinateur – et j’en connais beaucoup – qui n’ait peur de rien. Au tout début, quand on a commencé à bosser ensemble, il m’a dit : “Je peux tout dessiner ! Je peux tout essayer.” Et je lui donne tous les jours des challenges incroyables. En fait, c’est hyper agréable de ne jamais avoir à me demander, quand j’écris un scénario, si ça va être compliqué à dessiner ou s’il va pouvoir le faire. Il arrive toujours à se sortir de situations incroyables et je trouve que c’est un vrai talent.
G.L. : Et Rémi… fait partie de ces esprits-là qui, alors que 50 personnes regardent une statue ou un vase de face, dans un musée…
R.G. : … moi je regarde le socle du vase ! [rires]
city-hall_perso3G.L. : Rémi, il se met sur le côté et voit le vase sous un angle différent, il va à contre-courant. Il y a toujours la “Guérin’s touch” dans tout ce qu’il fait. J’ai reçu plein de propositions de la part d’autres scénaristes et c’est vachement bien, ce qu’il font, dans des styles différents… mais toi, Rémi, tu as cette spécificité-là. Alors je ne sais pas, peut-être que t’as une maladie des yeux, j’en sais rien. [Rémi éclate de rire] Ou qu’il te manque une moitié de cerveau, ou je ne sais pas quoi. Il y a des connexions qui ne se font pas, ou des connexions qui se font trop. En tout cas, c’est l’angle que tu prends qui est différent, inédit, et qui me surprend à chaque fois.
R.G. : Donc, je tiens à préciser aux lecteurs de BoDoï que quand Guillaume me fait un compliment, il me précise au passage que je n’ai qu’une moitié de cerveau ! Le vrai compliment n’est juste pas possible !
G.L. : Oui mais c’est pour le show, tu sais, “l’actor’s studio”, tout ça. Faut bien.

Et si vous inversiez vos rôles au scénario et au dessin ? A quoi ressemblerait City Hall ?

R.G. : Ce serait les Shadocks. C’est le seul truc que je sais dessiner !
G.L. : Les Shadocks qui feraient des blagues.
R.G. : Ouais, c’est ça ! Et ils “pomperaient” toute la journée. Ils nous pomperaient l’air aussi [rires]. Il faudrait demander à Claude Piéplu de faire la voix off de City Hall, donc… ce serait quelque chose, quoi !
G.L. : Il est mort, ou… ?
R.G. : Je ne sais pas. Oui, je crois. Désolé si t’es pas mort ! Donc oui, si c’était moi qui dessinais ce serait forcément les Shadocks. Et encore, ils voleraient dans des boites à sardines. Et les perspectives seraient affreuses. Je parle à la fois de l’histoire et des perspectives graphiques.
G.L. : [Il parle très vite] Moi, ça ressemblerait à une série de Joss Whedon. À bientôt ! [Il fait semblant de quitter les lieux en courant, puis reprend sa place]
R.G. : Non, si c’était toi au scénar’, ce serait sûrement les Shaddocks… mais dans une sorte de Bienvenue à Zombieland. Mais dans City Hall, quoi.
G.L. : Ouais j’adore les zombies, c’est vrai que ça manque souvent de zombies. Par exemple, Plus belle la vie, ça manque de zombies.
R.G. : De gens morts, tu veux dire ! Non, mais tu as une grosse (grosse) culture de films d’horreur, je pense que ça se ressentirait dans tes scénarios.
G.L. : Peut-être bien.

city-hall_perso2
Et si l’on plaçait City Hall dans le monde contemporain ? Quel serait le casting de personnalités ?

R.G. : Ah… excellente question !
G.L. : Tu mettrais euh… Maxime Chattam et…
R.G. : Non, je ne sais pas… Qui je pourrais mettre ?
G.L. : Rika Zaraï !
R.G. : Non ! Rika Zaraï, je dis non.
G.L. : Ben quoi, elle est sympa.
R.G. : Le problème de la question, c’est qu’on remplace des écrivains par des écrivains. Et ce mec ne lit que des mangas ou des bandes dessinées, donc… Aide-nous, Guillaume, trouve des auteurs de littérature !
G.L. : Bah, Maxime Chattam. Jean-Luc… Granger ? Non, euh… Michel, euh…
R.G. : Jean-Luc Granger, ça n’existe pas ! [Il part en fou rire]
G.L. : Michel Granger ? Non. Eric Granger ! Jean-Loup Granger !

Et des personnalités au sens large ? Comme Amelia Earhart qui n’est pas écrivain, dans City Hall.

city-hall_perso1G.L. : Ah, je mettrais Tony Hawk à la place d’Amelia Earhart ! Il arriverait en skate…
R.G. : (Attention, ça va être sportif !)
G.L. : … et il taperait un “ollie 280” ! Ah non, ça c’est un sandwich.
R.G. : Alors, évidemment, la comparaison est facile parce qu’ils sont black tous les deux, mais je placerais clairement Barack Obama à la place de Malcolm X. En termes de charisme et de leadership, on y est…
G.L. : Heureusement que t’as pas dit Omar Sy.
R.G. : Omar Sy jouerait le rôle de Barack Obama dans le film de City Hall.
G.L. : D’accord.
R.G. : Donc Barack Obama, oui, parce que quand j’ai pensé à Malcolm X je voulais un leader charismatique marquant, un peu décalé, et pour le coup je pense qu’il remplit bien ce rôle. On prendrait qui comme aventurier ?
G.L. : Mark Zuckerberg ! C’est un gros aventurier social de la mort.
R.G. : Tu plaisantes j’espère ! Mark Zuckerberg.… Elle est hyper dure, la question!
G.L. : Oui, elle est dure ! Un aventurier ? Euh, le gars qui va dormir chez les gens, là !
R.G. : Ah, oui ! Antoine de Maximy ! C’est un super aventurier, il n’a peur de rien ! Je n’avais jamais imaginé Antoine de Maximy dans le rôle d’Amelia Earhart mais… tu viens de changer ma vision des choses.
G.L. : Et l’enquêteur…

Derrick ?

G.L. : Alors du coup il faut Klein. Parce qu’ils bossent à deux. Derrick et Klein.

Et si vous deviez définir ce qu’est l’aventure, justement ?

city-hall_image4R.G. : Alors attention, Guillaume va répondre.
G.L. : Là je vais répondre très honnêtement, oui.
R.G. : Je pensais que tu allais dire “les cookies”.
G.L. : Ah oui, c’est vrai qu’il y a les cookies. Non. La vraie aventure, c’est La Piste de Xapatan quand ça passait sur France 2. [Ils rient] Non… Moi, j’ai vécu une aventure extraordinaire en faisant cette série – c’est très rattaché à City Hall, je suis désolé, je ne peux pas sortir un concept général de l’aventure. C’est ma cinquième série : avant ça, je n’ai dessiné que de la BD franco-belge et la dernière a été Explorers, avec Rémi, au tome 3 tué dans l’œuf avec 900 exemplaires… Il y a trois ans, je suis monté à Angoulême pour voir tous les éditeurs, avec le dossier de City Hall sous le bras et la ferme intention d’en faire un manga. Chaque éditeur m’a répondu “C’est vachement bien mais ne le faites pas au format manga, ça va se casser la gueule”. C’était à une période où tout restait à prouver. “Faites-le en franco-belge”. Nous, on ne voulait pas. Et je suis revenu d’Angoulême sans rien. Il ne s’est rien passé pendant des mois. J’étais chez Pôle emploi, résolu à reprendre mon job d’avant chez Carrefour… et Ankama a rappelé. Ils m’ont dit “On le fait comme ça”. L’aventure a commencé là, pour moi.
R.G. : Pour résumer ce que vient de dire Guillaume – parce que, vraiment, je partage le même avis que lui –, l’aventure c’est juste sortir de sa zone de confort. Déjà, c’est avoir l’envie de faire quelque chose, qui te ressemble ou pas, mais que tu ne maitrises pas, que tu n’as pas l’habitude de faire. En faisant ça, tu vivras une aventure, quelle qu’elle soit. Après, pour en arriver là, certains ont besoin de traverser le désert, de se faire l’Arctique ou l’Everest en solitaire. Pour d’autres, comme Guillaume, l’aventure c’est de se dire “je vais faire un manga envers et contre tout”. Et pour des gens qui sont en souffrance, ce sera simplement de sortir dans la rue et d’aller faire ses courses. L’aventure, c’est sortir de sa ligne de confort et oser faire des choses. Et puis avoir des enfants c’est une sacrée aventure, aussi.
G.L. : Quand on fait du manga, c’est chaud…

city-hall_perso4Et si vous aviez un ennemi juré, dans la vraie vie, quel serait votre Black Fowl à vous ?

R.G. : Tu veux le nom de quelqu’un ? [Éclat de rire général]
G.L. : Est-ce qu’on peut l’écrire dans le Death Note ?
R.G. : Moi, c’est le temps. J’ai l’impression que je n’ai (et n’aurai) jamais le temps de faire tout ce que je dois ou veux faire. C’est vraiment mon Black Fowl à moi. Toi, Guillaume, je sais que tu combats ton ennemi juré avec de la caféine.
G.L. : Ouais… [soupir] Avec mon side-kick ! Robin-café ! Je ne dors pas beaucoup, oui, mais on s’y fait. On se fait à tout.

Et s’il fallait changer quelque chose à City Hall ?

G.L. : Tout ! Non, le cinquième album, j’en suis content. Dans les premiers, je changerais plein de choses. Niveau dessin, je ferais des corrections partout. Mais bon, on est dans une dynamique où l’on avance. Mais c’est vrai qu’on continue encore à s’améliorer, au fur et à mesure des albums. Celui qu’on sort est toujours le meilleur. Peut-être que le prochain sera encore mieux, je n’en sais rien, on verra.
R.G. : Je ne sais pas ce que je changerais à City Hall. Ce n’est pas que le bouquin soit parfait, loin de là, c’est juste que… Il est fidèle à ce que j’ai voulu écrire. Oui, aujourd’hui, bien sûr que j’ai envie de corriger des dialogues ou des zones d’ombre. Et en même temps c’est tellement ce qu’on voulait, ça ressemble tellement à ça… Moi, je ne suis pas comme Guillaume, je ne changerais rien aux anciens tomes. Il ont des défauts mais je les aime comme ça.
G.L. : Non ? Rien de rien ? Non, tu ne regrettes rien ?
R.G. : [rires] Peut-être que je changerais le dessinateur, alors.
G.L. : Voilà, on y arrive ! Il faut sortir les rames, mais on y est, il y a encore des problèmes !

Et si le tome 7 ne clôturait pas la série ?

G.L. : Vas-y, Rémi, essaie de t’en sortir.
R.G. : Alors, aujourd’hui le tome 7 clôture la série parce qu’il clôture l’enquête. Si le tome 7 ne clôturait pas la série, il n’y aurait pas une suite directe comme le second cycle a pu l’être avec le premier, mais une suite qui se passerait quelques années plus tard, à cause de la fin qu’on a choisie.

city-hall_couv2Une suite avec Barack Obama et Derrick, donc !

R.G. : Voilà, exactement. Non, elle se situerait une dizaine d’années plus tard. Parce que la fin de l’enquête, avec toutes les révélations qu’elle implique, va changer beaucoup de choses dans le monde. Du coup, on ne pourrait pas écrire une suite directe, il serait plus intéressant d’avoir une suite où les événements seraient… digérés, on va dire.
G.L. : Il me l’a racontée au téléphone il n‘y a pas très longtemps, cette fin. Le dernier chapitre. Après un moment de blanc, je lui ai demandé : “Tu es sûr ?” Il m’a dit oui. Je lui ai dit : “Putain, c’est fort !” Il m’a séché sur place.
R.G. : Mais là, avec la fin qu’on a choisie, je t’avoue que si on faisait un troisième cycle, on aurait un peu l’impression de réécrire l’histoire dont le héros principal est Jar-Jar Binks, si tu veux. Enfin, de faire un truc qui n’est pas nécessaire ! Je ne veux pas me foutre à dos les gens qui aiment Star Wars, mais…

Et si le troisième cycle se passait avant le premier, justement ?

R.G. : Ah… écoute, ta remarque est super bonne. Si le tome 7 n’était pas la fin, peut-être que la suite se passerait avant.
G.L. : Wah… ça c’est profond ! C’est génial !

Et si vous pouviez voyager dans le temps, que feriez-vous ?

R.G. : Je retournerais en 1895, au mois de décembre, et j’accomplirais ce dont j’ai toujours rêvé et que je ne pourrai évidemment jamais réaliser : j’assisterais à la toute première projection de cinéma à Paris. Je prendrais mon paquet de pop-corn, je verrais le train arriver en gare de La Ciotat et les gens s’enfuir en croyant que le train rentre dans la salle. Et je me dirais : “J’ai vécu ce moment ! Qu’est-ce que c’était bien !”
G.L. : Moi, je retournerais dans les années 80 et je me rassurerais moi-même, avant d’entrer dans la salle de cinéma où je suis allé voir Aliens alors que j’avais 10 ans [Rémi éclate de rire]. Je me dirais “t’inquiète pas, ça va bien se passer, ça ne fait pas si peur que ça”. Et du coup, je n’en aurais pas fait des cauchemars pendant des semaines.
R.G. : Il y a un autre truc qu’on pourrait faire, aussi : on pourrait aller dans le futur, voler un Almanach sportif…
G.L. : …et avoir le résultat du match France-Allemagne de ce soir ! [L’interview a été réalisée le 4 juillet 2014, en pleine coupe du monde de football, ndlr]

Et aller “là où il n’y a pas besoin de route”, c’est bien ça ?

En chœur, regardant le T-shirt Retour vers le futur de Rémi : Là où il n’y a pas besoin de route, exactement !

Propos recueillis par Frederico Anzalone à Japan Expo 2014.
Merci à Nazir Menaa.

___________________

City Hall.
Par Rémi Guérin et Guillaume Lapeyre.
Ankama, 7.95€, tome 6 paru le 21 novembre 2014 (7 tomes prévus).

Également disponible chez Ankama : City Hall Le Jeu d’aventures : Missions extraordinaires (jeu de rôle papier), 24.90€, paru le 11 septembre 2014.

___________________

Illustrations © Guérin/Lapeyre/Ankama.

Publiez un commentaire