Retour sur « Michel », une série jeunesse étrange et réjouissante
« Michel est le portrait craché de ses parents, à quelques détails près. » Avec cette accroche présente à l’ouverture de chaque épisode, les auteurs de Michel annoncent la couleur. Plus qu’une simple antiphrase, cette déclaration plonge d’emblée dans l’étrangeté qui domine une série haute en couleurs qui se creuse depuis deux ans une place à part dans la BD jeunesse. Retour sur la recette d’une réussite qui ne se dément pas.
Si Michel est une boule de poil à quatre yeux ne s’exprimant que par des « Grou », il vit cependant dans une famille humaine le désignant comme leur fils, va à l’école avec les autres enfants de son âge, a un copain parfaitement humanoïde et est amoureux d’une petite fille tout à fait normale. Il est totalement impossible que personne ne se rende compte que Michel est un monstre, mais il ne s’en cache pas et tout le monde l’admet sans même que la question se pose à un seul moment. Il est donc traité avec les mêmes égards que les autres, intégré et semble plus ou moins compris, comme tout enfant.
Il va sans dire qu’un monde fonctionnant à partir de ce concept n’est pas un monde exactement banal. Si les autres protagonistes ont, eux, l’apparence de la normalité, les auteurs ont pris un malin plaisir à renverser les codes du récit pour enfants, dépassant le merveilleux pour entrer dans un franc incongru. Un petit tour des personnages permet de bien s’en rendre compte.
Il y a d’abord les parents, pas franchement autoritaires et prêts à tout pour le bonheur de leur enfant, mais toujours en décalage avec ses aspirations. Le père achète le shampoing permettant de faire les plus belles bouclettes alors que Michel désire ardemment des rollers, la mère accueille avec une grande gentillesse un cambrioleur qu’elle croit être Brigitte, l’amie d’école de Michel. Elle s’aperçoit bien que Brigitte est un adulte cagoulé, mais sa seule remarque sera : « J’aurais cru que Brigitte était une fille. » Forts d’une gentillesse presque écœurante et d’une bêtise évidente, les parents sont ici plus un décor, que les pourvoyeurs d’une autorité quelconque.
Il y a Pépé Pipo, dont le physique rappelle le grand père pervers de Ranma ½ et évoque – de manière générale – ces aïeuls dégénérés et graveleux que l’on retrouve dans pas mal de manga. S’il n’est pas doté de la même perversion (bande dessinée jeunesse française oblige), il est ouvertement paresseux, grossier et kleptomane. Absolument dénué de fibre familiale, il ne semble être là que pour profiter de l’insondable naïveté de ses proches.
Parmi ces derniers, c’est Ténatus, le copain d’école, qui tient la dragée haute. S’il semble certes plus intelligent que les autres protagonistes, il apparaît comme un insupportable petit donneur de leçons dont la crédulité reste cependant effarante. À quoi bon être si fort en cours si c’est pour accepter les premières imbécillités venues? Très protecteur avec Michel, il se retrouve toujours complètement baladé par les événements. Falot, un peu à double emploi avec les parents, il disparaît d’ailleurs quasiment du tome 3, remplacé par d’autres faire-valoir (une bande de bikers, des artistes contemporains…). Ténatus retrouve alors sa place naturelle du voisin de classe gentil, apparaissant à l’occasion, faisant partie du décor et ne faisant rien pour s’en détacher.
Existant parallèlement en dessin animé (3 saisons ont été produites par Folimage), Michel a la particularité d’être transposé en BD par ses auteurs initiaux. Dewi Noiry, Pauline Pinson et Yvan Rabbiosi n’hésitent pas à parsemer les albums d’épisodes inédits afin de laisser leurs spécificités à chacun des supports, mais gardent toujours le même ton si délicieusement décalé. Dewi Noiry s’est aussi chargée du dessin de la bande dessinée et a su, contrairement à un écueil souvent constaté, adapter son trait au papier. On est ici loin de la capture d’écran sur laquelle on colle malhabilement des bulles, mais bien face à un travail soigné qui passe à merveille d’un médium à l’autre… À quand le jeu vidéo ?
Michel était une des bonnes surprises de la bande dessinée jeunesse de ces dernières années. Si le système à ses limites et que les derniers récits s’essoufflent un peu, on ressent toujours un esprit ludique qui garde de l’intérêt à la série. À l’image du très bon Nini Patalo de Lisa Mandel, la série a fait l’heureux choix de faire confiance aux enfants, leur laissant pleinement la possibilité d’imaginer l’improbable en leur laissant le soin de démêler réel et fiction. C’est sans doute le plus grand service que l’on puisse leur rendre.
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Michel.
Par Dewi Noiry, Pauline Pinson et Yvan Rabbiosi.
Trois tomes chez BD Kids, 9,95 €.
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