« S’appartenir », c’est la grande conquête de Karim Miské. S’appartenir contre les Français qui le réduisent à ses origines (son père est mauritanien), contre les Mauritaniens qui veulent l’absorber, contre lui-même qui a été bercé par la sémantique communiste de sa mère (elle fut un relais d’influence du régime albanais d’Enver Hoxha). En revisitant les évènements de son passé, il analyse pourquoi, au-delà de sa bâtardise, il se sent différent des autres. Incapable de se mouler dans leur pensée.

Bienheureux celui qui n’a pas encore lu ce livre ! Ce texte est d’une puissance poétique absolue. La voix de l’auteur se dresse et s’aventure dans un cheminement qui lui est complètement nécessaire pour dévoiler toute sa singularité et son mystère. L’auteur raconte comment l’on surmonte ses peurs et ses réflexes défensifs pour se construire une pensée critique. Et aller vers la formulation d’un monde qui peine à se laisser comprendre.

Premier roman graphique de la maison Viviane Hamy, S’appartenir est une adaptation du texte N’appartenir publié en 2015. Il se présente comme un tribut à la lecture, à la musique, à la culture. Le texte vient des tripes et est servi par un dessin tout aussi expressif. Loin des codes de la bande dessinée classique, les pavés de textes serrés et le trait minimaliste d’Antoine Silvestri ne sont pas là pour plaire, mais pour délivrer ce qui doit être dit, ce qui doit être montré. La collaboration fonctionne parfaitement et rend légère la lecture de ce texte dense, qui invite à rêver un monde meilleur.