Sélection BD érotiques #15
Les températures baissent dehors, mais à l’intérieur, ça monte, ça monte. Un radiateur mal réglé ? Une grippe qui couve ? Non, c’est la sélection de bandes dessinées érotiques de BoDoï, pour bien démarrer 2017. Bonne année !
Une fessée et au lit
Le titre est, de toute évidence, prometteur. Et le format, un épais roman graphique, ne fait que renforcer l’idée que voilà un album de chambre tout trouvé. Ô surprise ! Une fessée et au lit n’est pas opuscule graveleux à parcourir d’une main, mais bien une perle de bande dessinée surréaliste et charnelle, comme on n’en lit que trop rarement. Avec ses références assumées, entre le Max Ernst d’Une semaine de bonté, Fellini et Lewis Carroll, le tout mâtiné d’un humour absurde et volontiers scatologique, l’album déroule un scénario répondant à la logique du rêve et de l’écriture automatique. Où l’on croise un nouveau-né sortant d’entre deux seins lourds, une baby-sitter dilettante, une reine des égouts truculente, des flics mal intentionnés, et même Jean-Pierre Marielle ! Au fil de son histoire en apparence sans queue ni tête, à l’érotisme davantage suggéré que consommé, avec un goût prononcé pour le bizarre et le malsain pour rire, le jeune Boris Délévègue impressionne par sa grande maîtrise narrative et son trait affûté, évoquant parfois Blutch et Micol. Un auteur à suivre de très très près. Sinon, attention : une fessée et au lit !
Par Boris Délévègue. The Hoochie Coochie, 216 pages, 20 €.
Nagarya
Les éditions Dynamite remplissent tout à fait leur rôle en rééditant une perle oubliée de la bande dessinée érotique, Nagarya de l’auteur français Peter Riverstone. Publiée à l’origine dans la revue Bédé Adult’ entre 1985 et 1987, puis en album en 1991 et 1997 chez CAP, cette série met en scène un groupe de survivants d’un crash galactique sur une planète luxuriante mais a priori vierge d’êtres humains. Ils sont trois hommes et une femme, Anny, vite rebaptisée Eve. Car, et cela la chagrine un peu, elle semble être la seule femelle au milieu de trois mâles perpétuellement en rut (mais qui se torturent intérieurement pour ne pas lui sauter dessus toutes les cinq minutes). Ils vont tout de même finir par rencontrer des autochtones, mais leur cohésion va en prendre un coup… Le scénario est étrange (les scènes de rêves ou de souvenirs sont bien barrées), les dialogues bizarres, l’ambiance générale envoûtante mais vraiment curieuse. Et les scènes de sexe aussi, qui interviennent quand la tension est trop forte et que les partenaires n’en peuvent plus de se mater à poil à longueur de journée. Mais ces éléments, associés surtout à un dessin flamboyant tout en textures et en nuances, font de Nagarya une oeuvre à part, un peu vieillie mais vraiment originale. L’édition intégrale proposée par Dynamite rassemble donc les deux tomes, et ajoute des planches inédites pour faire le lien entre les deux, ainsi qu’un riche cahier graphique présentant des ébauches, des tentatives avortées et autres recherches. Une belle redécouverte.
Par Riverstone. Dynamite, 148 pages, 24,90 €.
Rôles de composition
Pas vraiment une BD érotique ici, mais plutôt une jolie romance d’aujourd’hui, aux scènes de lit explicites mais toujours dans la douceur et la sensualité. Au fil de chapitres enlevés, qu’on a pu lire dans différentes revues dont Papier en France, le Québécois Jimmy Beaulieu décrit la relation entre la ronde et angoissée Colette et la belle black aventureuse Noémie. Leur quotidien, leurs aspirations, leur éloignement. Avec son langage direct, ses références musicales, son trait souple qui se fout des proportions académiques, ses bichromies par chapitre, son usage malin des ombres et des tronches cartoon, l’auteur de Comédie sentimentale pornographique propose un livre simple et léger, mais bien dans son époque. Parfois un peu longuet, parfois un peu bancal, mais doté d’un charme certain, Rôles de composition confirme aussi que Jimmy Beaulieu sait y faire pour dessiner les femmes, les vraies, pas les modèles archétypaux de la BD classique. Et ça, ça fait du bien.
Par Jimmy Beaulieu. Vraoum!,164 pages, 20 €.
Fluide Glacial Q
On finit avec le sourire, par ce joli collectif publié par Fluide Glacial. Un florilège de gags, d’illustrations et d’histoires courtes publiés pour la plupart dans le magazine. On retrouve Gotlib, Forest, Alexis, Goossens, Binet, Bertail, Sanlaville, De Pins, Pixel Vengeur, Pluttark, Gimenez… Mais aussi des romans photos avec Brigitte Lahaie, et une amusante petite histoire de la censure par Bernard Joubert, qui montre les cases avant et après l’intervention du censeur. À ne pas manquer : une interview de Sourdrille, qui est sans doute le plus épatant dessinateur de sexe du moment, dans un registre outrancier, égocentré et drolatique qui n’est pas sans évoquer Robert Crumb.
Collectif. Fluide Glacial, 108 pages, 19 €.
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