Siné est mort
Le dessinateur satirique Siné est mort ce jeudi 5 mai, à l’âge de 87 ans.
Maurice Sinet dit Siné est né le dernier jour de 1928 à Paris. Il étudie à l’école Estienne, et publie ses premiers dessins dans la presse au début des années 1950. Et il se met à dessiner des chats, à tout va. Avec Jean Yanne, il publie une revue anticléricale, J’y va-t-y j’y Vatican, et reçoit le Grand Prix de l’humour noir pour son livre Complaintes sans paroles (1957).
Arrive la guerre d’Algérie. Siné passe son service militaire majoritairement en cellule. Ensuite, il entre à L’Express comme dessinateur politique, et reprend le bloc-notes de François Mauriac. C’est là que sa verve provocatrice tapant sur tout le monde se fait remarquer. Le journal reçoit de nombreuses lettres de plaintes et d’insultes de lecteurs, mais Siné tient bon. Il quitte L’Express en 1962 et fonde Siné Massacre avec Jean-Jacques Pauvert : anticolonialiste, anticapitaliste, antisionniste et fondamentalement anarchiste, Siné s’affirme haut et fort. En 1968, ce sera dans L’Enragé, toujours avec Pauvert.
En 1974, il intègre la première équipe de Charlie Hebdo, aux côtés de Reiser, Wolinski, Gébé, Cavanna. Il sera aussi là lors de la relance du journal en 1992, par Philippe Val, où il reprend sa chronique « Siné sème sa zone ». En 2008, suite à une chronique moquant Jean Sarkozy et sa possible conversion au judaïsme, on l’accuse d’antisémitisme. Philippe Val le licencie. L’affaire fait grand bruit, et devant les tribunaux, Siné est relaxé des accusations d’antisémitisme et obtient la condamnation de Charlie.
Entre temps, juste après son éviction de Charlie, le dessinateur lance Siné Hebdo, rassemblant des plumes variées comme Benoît Delépine, Philippe Geluck ou Michel Onfray. Le journal tiendra moins de deux ans, jusqu’en avril 2010. En 2011, il s’acharne et sort Siné Mensuel, qui se vend modestement mais parvient à lever des fonds.
Indécrottable fumeur et buveur, malade depuis des années, ce grand amateur de jazz écrivait mardi sur le site internet de son journal les mots suivants : « Depuis quelque temps, vous avez dû remarquer que je ne nageais pas dans une joie de vivre dionysiaque ni dans un optimisme à tous crins, ce qui est pourtant mon penchant habituel. Je ne pense, depuis quelque temps, qu’à ma disparition prochaine, sinon imminente, et sens la mort qui rôde et fouine sans arrêt autour de moi comme un cochon truffier. Mon moral, d’habitude d’acier, ressemble le plus souvent maintenant à du mou de veau ! C’est horriblement chiant de ne penser obsessionnellement qu’à sa mort qui approche, à ses futures obsèques et au chagrin de ses proches ! Je pense aussi à tous les enculés qui vont se frotter les mains et ça m’énerve grave de crever avant eux ! Heureusement que vous êtes là, admirateurs inconditionnels, adulateurs forcenés… vous ne pouvez pas savoir comme vos messages me font du bien, un vrai baume miraculeux ! Et banzaï malgré tout ! »
Siné s’est éteint deux jours plus tard, des suites d’une opération du poumon. Il avait 87 ans. Sa tombe, réservée depuis des années au cimetière de Montmartre, arbore un cactus en forme de doigt d’honneur et porte l’épitaphe qu’il s’était choisie: « Mourir ? Plutôt crever ! »
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