Fin des années 90. De l’URSS, il ne reste que les ruines… que les deux compères Slava Segalov et Dimitri Lavrine s’empressent de piller dans le but de revendre aux riches les précieux vestiges d’un communisme bien plus inégalitaire que prévu. Au programme : vols, magouilles et risques insensés dans une Russie en pleine mutation qui s’ouvre au capitalisme !

Toute première série de Pierre-Henry Gomont après une dizaine d’années de créations aussi productives que variées, Slava est une bande dessinée généreuse, remplie d’humour et haletante comme l’était déjà La Fuite du cerveau. Outre son rythme effervescent, ce titre brille par ses nombreux personnages, tous plus fous, charismatiques, candides, puissants et dissemblables les uns que les autres. Leurs interactions font des étincelles le temps de rencontres animées et de dialogues savoureusement vivants. Leurs pérégrinations sont accompagnées par une voix off comme on en fait peu : enlevée, truculente, jamais inutile, elle donne vie et coalise tellement bien le récit qu’elle en fait oublier sa densité narrative.

En plus d’être un véritable délice de lecture issu d’un savant maniement du verbe, cette nouvelle BD de l’auteur se distingue tout autant par sa forme. Avec une plasticité et une vivacité graphique qui allient expression, dynamisme et captation de l’instant, Pierre-Henry Gomont figure le génie de Christophe Blain et Blutch. Sa mise en couleur économe, mais éloquente et son vocabulaire pictural fécond conjuguent l’utilisation d’onomatopées russes, de pictogrammes désopilants et de jeux de lignes qui exaltent le mouvement et les tempéraments.

Si l’on devait soulever une faiblesse, le seul bémol reviendrait au maigre apport de ce second opus par rapport à l’introduction. Toutefois, il présente une suite aussi cohérente, sémillante et incisive que ce dont on pouvait s’attendre. Le troisième et dernier tome paraîtra en 2024, il ne fait aucun doute que nous serons au rendez-vous !