Sống
Parisienne à l’aube de la trentaine, Hai-Anh se penche sur ses racines en allant voir sa mère Việt Linh retournée vivre dans son pays de cœur : le Vietnam. Pourquoi est-elle si attachée à son pays ? Qui est-elle vraiment ? Et comment est-elle devenue ce qu’elle est ?…
Sống signifie « vivant », « en vie », en vietnamien, et il s’agit non seulement du titre de cette BD, mais aussi d’un mot que Hai-Anh porte constamment sur elle, comme un mantra, tatoué sur son avant-bras droit depuis qu’elle a recueilli les mémoires de sa mère. C’est dire s’il a du sens et de l’importance pour l’autrice. Et cela se ressent dans le déroulé progressif et l’évolution de la perception qu’Hai-Anh porte sur sa mère. Découvrant et retranscrivant l’histoire maternelle, elle parvient à se rapprocher au plus près de cette femme qu’elle savait ne connaître qu’en surface.
Récit de vie et d’une époque, cet ouvrage relate la vie de sa mère, mais aussi de ses grands-parents, tous trois pris dans la guerre du Vietnam. Ainsi Hai-Anh nous raconte l’enfance de Việt Linh et sa vie maquisarde auprès de son père de 1969 à 1975 au travers de moments clés, comme ce documentaire résistant tourné directement sous les bombardements américains, ces serviettes menstruelles improvisées dans les moustiquaires, qu’il fallait cacher aux hommes du camp et faire sécher à découvert toujours à l’affût du moindre vrombissement d’avion ennemi… On apprend alors à la connaître plus âgée, à comprendre en même temps que sa fille son passé et ses agissements, ses cicatrices de guerre, réelles ou psychologiques.
Portrait d’une femme, d’une mère, d’une culture, témoignage de guerre loin des clichés ou des grandes références cinématographiques qui retranscrivent cette période de façon spectaculaire, ce livre surprend par son intimité et son humanité. Et sans le revendiquer – et c’est ce qui en fait sa force –, Sống est aussi un titre féministe qui met en évidence la détermination d’une femme dans un monde jusqu’alors réservé aux hommes.
Et pour mettre en image ce récit intime, rien de mieux qu’une amie de toujours, devenue depuis illustratrice, storyboardeuse et animatrice. Pauline Guitton parvient à sublimer les confidences d’une mère à sa fille avec une authentique élégance et sensibilité grâce à ses lignes fluides et ses douces couleurs numériques aux effets aquarellés . La sincérité avec laquelle les deux autrices livrent cette histoire reliant le passé et le présent sonne juste en brassant de nombreux thèmes, comme les liens familiaux, l’identité, la transmission et l’amour.
Publiez un commentaire