Sur la piste
Sur une interminable piste d’athlétisme sillonnant la campagne, on croise des coureurs déguisés, des groupuscules de compétiteurs se battant pour une vague branche servant de témoin, des spécialistes des câbles et autres liens, une cape pleine d’écussons, des rêves fous et des aspirations simples. Du sport, assez peu, en somme. Mais du nonsense, ça oui !
Voilà un album singulier, sélectionné au Festival d’Angoulême 2022, dans lequel l’Anglais Henry McCausland convoque autant les expériences du pionnier du cinéma Étienne-Jules Marey que la minutie d’un Chris Ware ou les lignes des logiciels de dessin d’architecture. Du premier, il reprend le principe de la chronophotographie, soit la décomposition du mouvement en images (dont un fameux coureur, d’ailleurs), qui a ensuite servi au développement de la technologie du motion capture dans les effets spéciaux du cinéma moderne. Du second, il invite le découpage éclaté en petites cases qui se superposent, s’additionnent, s’enchaînent, rythment une narration-puzzle. De l’archi, il emprunte et tord les notions de perspective, d’ombre et de représentation de l’espace, dans un tourbillon loufoque, qui évoque aussi par moments le travail de Ruppert et Mulot sur la Soirée d’un faune.
Si l’ambition formelle est là, c’est plus le fond qui interroge : que veut vraiment nous dire l’auteur ? Car même en prenant cette course-folle pour une métaphore de l’existence (tellement classique), on se lasse quelque peu des rebondissements et dialogues absurdes qui jonchent le chemin. C’est amusant, c’est détonnant, mais ça tourne un peu à vide par moments. Heureusement, au-delà d’un début tonitruant, quelques jolies séquences suffisent à maintenir l’intérêt jusqu’au bout de cet album insolite.
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