Symphonie à Bombay
Une histoire vraie, celle d’une femme à Bombay en 1949, Aparna Tagore, jeune danseuse sacrée du temple d’Orissa kidnappée et gardée prisonnière dans un harem pendant dix-sept ans par son persécuteur, Salaah al-Din. Condamnée à aimer son bourreau, elle vivra l’enfer jusqu’à sa libération par son propre neveu, Hélios Dutta, détenu à son tour…
Le lecteur français connaît Igort notamment pour ses Cahiers (Russes, Japonais) édités chez Futuropolis. On connaissait moins, à tort, les travaux de jeunesse de l’auteur italien et cette jolie Symphonie à Bombay, mal publiée en 1983. Heureusement, il n’est jamais trop tard. Dans une version restaurée et colorisée, Symphonie à Bombay tisse un voyage ésotérique à l’exotisme douloureux.
Dans ce récit de captivité, Igort emboîte les lieux – d’Istanbul à Cagliari en passant par la Russie –, les époques – l’Inde post-coloniale, l’URSS de la guerre froide – et les genres, convoquant le cinéma, l’art cubiste ou le comics populaire. Histoire de trahison et d’errance aussi, en forme de rêve interdit ou éveillé, évocation de la passion à l’épreuve du temps infini, la piquante galerie de personnages part en quête de réponse à l’éternelle question : qui sommes-nous ? Ou l’amour comme aliénation salvatrice, l’enfermement comme condition du voyage.
Le talent graphique d’Igort explose à chaque page, les compositions évoquant un jeu de miroirs déformants, comme autant d’expressions du « labyrinthe des passions ». L’ambiance cotonneuse confine au fantasme d’une Inde épicée, pleine de douleur, rappelant dans la forme les peintres Lichtenstein ou Kandinsky, dans un « esprit néo-Mondrian ». Si l’histoire interpelle autant qu’elle étonne, le splendide visuel de Symphonie à Bombay fascine aussi par sa délicatesse poignante, son ambition formelle et l’exigence porté par un trait virtuose, prompt à l’hommage et aux ambiances. Une manière de découvrir une autre facette de cet auteur décidément très intéressant.
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