Par Guillaume Singelin et Aurélien Ducoudray. Ankama, octobre 2011.

Au coin de la rue de cette cité américaine peu reluisante, il y a une épicerie. Et puis, des dealers, comme à tous les autres coins du quartier. Des petites frappes qui friment avec leur skate, leur casquette de base-ball, et leur « talent » pour deviner quelle dope intéresse le toxico qui déambule sur le trottoir. Il y a aussi une sanglante guerre de gangs, avec à la prise de pouvoir par un vrai cinglé qui a survécu à la chaise électrique ! Et au milieu de tout ça, le fils de l’épicier – naïf premier de la classe en quête de copains – et un soldat rentrant d’Irak, sans le sou à cause de la crise des subprimes…

Sous influence des séries TV américaines (The Wire/Sur écoute en tête) plus que sous celle des comics, ce premier tome de The Grocery impressionne par sa maestria graphique autant que par sa classe scénaristique. Dans cet univers violent et déliquescent, tout est parfaitement peaufiné. Aurélien Ducoudray (Championzé, La Faute aux Chinois) propose un récit drôle et explosif, aux dialogues qui claquent et aux personnages solides, un monde joliment immersif et carrément jouissif pour peu qu’on aime les histoires de truands modernes; on espère que le tome 2 laissera éclater tout le potentiel ici entrevu (c’est la seule petit limite à apporter ici: une excitante frustration dans l’attente de la suite).

Mais c’est surtout le travail du dessinateur Guillaume Singelin (Pills, Doggybags) qui laisse pantois d’admiration : ses personnages ni humains, ni animaux, ni aliens – croisement d’hallucinations champignonesques et de street-art punchy -, ainsi que son aisance dans les séquences d’action et la beauté de ses textures et effets de couleurs font de The Grocery une des plus chouettes réussites graphiques de ces derniers mois. Singelin n’est plus une révélation: c’est un des plus talentueux dessinateurs du moment.

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