Todd le géant s’est fait voler son slip
Todd est un géant noir, plein de ressources. D’abord à la bagarre, c’est sûr. Ensuite, il a un côté magique, qui lui permet d’absorber des choses qui lui donnent des pouvoirs. Et puis, il adore écouter et raconter des histoires. Il faut dire que dans son monde, peuplé de phénix, de chouette-mycose, de petits peuples à tête de pierre, feuille ou ciseaux, et de bien d’autres créatures encore, les mythes et légendes foisonnent. Mais là, ce qui l’occupe, c’est de retrouver son slip, lâchement dérobé. Une drôle de mission qui ne sera que l’impulsion à une quête bien plus décisive…
Alex Chauvel, cofondateur des éditions Polystyrène, s’est lancé avec Todd une sorte de défi : créer une bande dessinée improvisée de 6001 cases, soit une de plus que Lapinot et les carottes de Patagonie, la BD fleuve dans laquelle Lewis Trondheim s’était lancé pour « apprendre à dessiner ». Une oeuvre à la fois « modèle et repoussoir » selon Alex Chauvel, qui voulait tenter l’expérience de la BD improvisée tout en évitant soigneusement ses écueils, au premier chef les pistes scénaristiques irrésolues.
Il s’est donc attelé au projet en dessinant des cases individuelles, dans l’ordre voulu mais nécessairement à la suite, afin d’obtenir plus de malléabilité que s’il avait attaqué avec l’idée de pleines pages. De ces contraintes excitantes, et qui ne se voient pas vraiment une fois plongé dans la lecture, l’auteur tire un long récit à tiroirs, d’une grande richesse. Au départ, on croit lire une aventure potache, pleine de petites trouvailles narratives réjouissantes (notamment le chat qui parle avec des bulles totalement noires, que seul le lecteur ne comprend pas). Puis, le livre s’adjoint d’autres genres et formes : fable métaphysique, épopée héroïque, jeu de pistes magique… C’est parfois un brin longuet, mais à mesure que l’intrigue se déploie, les idées visuellement et narrativement brillantes font de Todd un délice dont on tourne les pages avec avidité, en attendant – jamais très longtemps – la prochaine surprise. L’influence de Trondheim se fait toujours un peu sentir, mais davantage comme une ombre tutélaire que comme un fardeau. Le dessin, simple et jouant avec la géométrie et l’abstraction, sert idéalement le propos. Pour au final donner un petit pavé d’un millier de pages jouissives. Pari réussi pour une bande dessinée hors norme, un livre rare.
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62 euros (d’occas sur Amazon) ! Aie !… dommage…
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