« Dig », fanzine ambitieux et soigné
Lavis, graphite, fusain, numérique… Mais aussi sang de bœuf, et même, disent-ils, fiente de dinosaure. Un sacré mélange de techniques et de matériaux a été nécessaire à la conception du deuxième recueil du collectif DIG (pour «Digression imaginaire généralisée»), dont le premier s’était déjà fait remarquer à Angoulême en 2014.
Cette poignée d’auteurs, qui ont uni leurs traits en décembre 2012, alors tout juste sortis de l’école CESAN, ont décidé de tenter ensemble l’expérience narrative. «Au départ, nous avions envie de créer un fanzine, dans le but de produire et d’expérimenter librement, tant au niveau de la narration que du graphisme. Faire de notre collectif une sorte de laboratoire de création dans lequel tout est permis», explique Tiphaine Gantheil, membre du collectif.
Leur premier opus est sélectionné pour le prix de la BD alternative au festival d’Angoulême. Pour ce deuxième recueil, le collectif a fait appel au financement participatif, en lançant une campagne sur Ulule. Avec succès : l’album de 280 pages, de très belle facture, est sorti en juin dernier. Chacun des dix auteurs (six permanents et des invités) livre sa propre version de la réponse à cette question : «Quelle serait pour vous la raison d’une potentielle fin de civilisation ?».
Des histoires, donc, unies par un fil directeur. «Avec le temps, notre démarche a évolué. Là où nous proposions des historiettes personnelles sans aucune corrélation dans notre tout premier numéro, nous tentons à présent d’articuler des histoires plus longues au sein d’une même intrigue ou autour d’un même thème, tout en laissant une grande liberté aux auteurs», poursuit Tiphaine Gantheil.
Dans les méandres de cette déambulation séquentielle, on croise un homme chapeauté qui semble droit sorti d’un tableau de Magritte, et qui explore un monde dévasté aux tons subtilement nacrés. Il croise des objets, résidus d’événements passés, qui passent en douceur le relais entre des mini-récits pré-apocalyptiques, courts et denses. On y trouve, entre autres : un jeune garçon malade happé par sa rencontre avec un groupuscule violent, un enfant cobaye qui se rebelle, un trio de rescapés mal barré, un échiquier géant, des drogués qui volent, et même une société sans ennui. Les styles sont très divers, car chaque auteur apporte sa propre patte graphique, pour des résultats très contrastés, qui naviguent entre clair-obscur, gravure et ligne claire.
Tiphaine Gantheil, auteure d’une jolie fable au crayon de couleurs sur qui l’on est vraiment, de l’enfance à l’âge adulte, détaille : «L’objectif est d’élaborer des « concepts narratifs » propres à chaque numéro qui nous permettent d’entremêler nos idées et d’explorer un sujet ensemble, dans le but de proposer quelque chose d’original et ludique à parcourir.» L’ouvrage fait avant tout la part belle aux grands aplats texturés, dans une ambiance sombre et contemplative. Les récits, densifiés par le format court imposé à chacun, manquent de fait parfois de respiration, et la narration de fluidité. Mais le résultat reste ambitieux et soigné.
Cette envie d’indépendance fut immédiate dans le parcours de ces dessinateurs, dont certains vivent de l’illustration et de la BD, tandis que d’autres sont, à coté, prof de sport ou ingénieur. «C’est venu d’une curiosité, de l’envie d’apprendre à faire des livres et de se prendre en main.»
Le collectif sera au festival Quai des Bulles à St Malo à la fin du mois d’octobre, à SoBD en décembre, et à Angoulême en janvier 2017. En attendant, vous pouvez toujours leur envoyer vos propres digressions…
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