Une splendide rétrospective Robert Crumb au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
« Crumb, de l’Underground à la Genèse ». C’est un parcours vertigineux que propose de retracer le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Et il le fait admirablement, avec cette exposition gigantesque (plus de 700 œuvres !) qui donne à voir de façon chronologique l’évolution d’un artiste majeur.
Il y a d’abord les premières publications de Robert Crumb, né en 1943 à Philadelphie, dans une famille pour le moins dysfonctionnelle : un père violent, une mère addict, et des frères névrosés, baignant dans une ambiance catholique stricte — ce que montre l’excellent film de Terry Zwigoff, présenté dans la dernière salle. Pour oublier un quotidien pour le moins morose, le gamin se plonge dans les bandes dessinées. D’abord celles de Disney, puis les revues Mad et Humbug, plus subversives. Il lance un fanzine (Foo) avec son frère aîné, publie ses premiers reportages dans Help !, dirigé par Harvey Kurtzman.
En 1959, il crée Fritz the Cat, en s’inspirant du chat familial. Il le tuera quelques années plus tard, avec un pic à glace… « Fritz est le plus connu [de mes personnages], curieusement, à cause d’un dessin animé avec lequel je n’ai rien eu à voir (…). Je l’ai trouvé horrible, gênant, mal réalisé. Dans mes histoires, Fritz est gonflé, je dirais que c’est un personnage qui ne fait pas partie de moi. Peut-être que je souhaitais être celui-ci quand j’étais jeune. » Au mitan des années 60, influencé par ses trips au LSD, Crumb crée de nombreux héros délirants (Mr Natural, Snoid…).
En 1968, il lance la revue Zap Comix, puis poursuit ses travaux pornographiques dans Snatch Comics : « L’une des clés pour vous exprimer dans l’art est d’essayer de casser la maîtrise de soi, de voir si vous pouvez transcender la part socialisée de votre esprit, le surmoi — quel que soit le nom que vous lui donnez. (…) L’art, heureusement, est un domaine où vous pouvez dépasser cela, vous en débarrasser et révéler quelque chose de plus profond. Je sais que dans mon travail, je dois sortir ces trucs, ça ne peut pas rester à l’intérieur : toute cette folie, ces trucs sexuels, l’hostilité envers les femmes, la colère contre l’autorité. »
Cet amateur de la musique des années 20 et 30 — il dessinera tout de même la pochette de l’album Cheap Thrills de Janis Joplin — se range un peu dans les années 80, après son mariage avec Alice Kominsky et la naissance de leur fille Sophie. Plus réaliste et sombre, son trait s’épanouit notamment dans le magazine Weirdo. En 1991, Robert Crumb s’installe en France. Il croque alors malicieusement Bécassine, signe des affiches pour la défense d’un petit village, ou se lance, en 2009, dans une adaptation titanesque de La Genèse. Gonflé, toujours.
Laurence Le Saux
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Crumb, de l’Underground à la Genèse
Commissaire de l’exposition : Sébastien Gokalp.
Jusqu’au 19 août 2012 au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 11 avenue du Président-Wilson, 75 016 Paris. Tél. : 01 53 67 40 00.
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, ouverture le jeudi jusqu’à 22h.
Tarif : de 4 à 8€.
Photos © BoDoï.
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