Vassant: le procès Pétain, comme si on y était
Parmi les BD historiques les plus étonnantes, celle de Philippe Saada et de Sébastien Vassant, Juger Pétain, s’impose comme un travail précieux dans le monde du documentaire. Rencontre avec Sébastien Vassant, 35 ans, dessinateur qui assume un travail complexe et qui atteint une belle maturité avec cet ouvrage. Sur un sujet qui, même le temps passant, reste sensible.
Quel est votre parcours ? Comment êtes-vous arrivé à la BD documentaire ?
Je suis né dans la région parisienne en 1980 ; aujourd’hui je vis et je travaille à Nantes. J’ai été formé aux Beaux-arts de Liège en section illustration, puis j’ai travaillé en librairie ou encore dans l’édition. J’ai publié quelques petits bouquins, puis je suis devenu directeur de collection chez Paquet. Mais l’édition me prenait beaucoup de temps, j’ai donc décidé de me consacrer uniquement à mon travail d’auteur. En 2006 sort mon premier album, Comment je me suis fait suicider, et au gré de quelques rencontres, j’ai commencé à collaborer avec d’autres auteurs. Depuis 2011 je collabore au feuilleton Les Autres gens, et depuis 2013, j’ai produit trois reportages pour La Revue Dessinée, m’apercevant alors que je devais changer ma façon de raconter.
Dans ce cas, vous vous mettez dans la peau d’un journaliste ?
Le journaliste n’a pas la même façon de raconter que le dessinateur. Une question me poursuivait dans ces reportages : comment se dégager de la simple illustration ? La BD apporte sa façon de raconter. Le dessin traduit des choses plus rapidement. Il faut s’inclure davantage, s’introduire comme sujet : assumer cette subjectivité, avoir sa vision. Lors d’une résidence dans la Sarthe, j’ai travaillé sur ce mode de roman graphique à la façon de Will Eisner, pionnier du genre ; ça tourne toujours autour de lui-même, même si c’est fictionnel. C’est la « BD du réel » ou la « BD reportages » plutôt.
Juger Pétain est un documentaire de Philippe Saada, récemment rediffusé sur France 5. Comment est née l’idée de ce travail ?
Philippe Saada a appelé les éditions Glénat, qui sont entrées en contact avec moi. Je travaillais déjà pour La Revue Dessinée. J’ai reçu le script écrit par Philippe Saada à partir des images filmées du procès. Il a fallu que je le digère, que je comprenne tout ce qu’il voulait mettre en place mais aussi les enjeux d’un tel travail… Le défi était de faire un procès, raconter un procès, en BD. Il fallait trouver le bon rythme narratif mais aussi le bon équilibre entre la densité et le graphisme. Les moments plus humoristiques, avec Winston Churchill, étaient là pour casser le rythme.
Juger Pétain nécessite un réel niveau d’exigence.
C’est exigeant pour tout le monde, l’auteur et le dessinateur. Pour le lecteur aussi : ce n’est pas une BD qui se lit en un jour ! Mais plus c’est exigeant, plus c’est plaisant et agréable. Je me suis beaucoup interrogé sur comment arriver narrativement à retranscrire un procès, et plus particulièrement ce procès. On a d’emblée évacué l’aspect éducatif. Nous ne recherchions pas à faire une leçon d’histoire. Il fallait gérer les éventuelles polémiques autour du pétainisme. Nous ne voulons absolument pas que ce soit un étendard pour un site pétainiste ! Une question me taraudait : ce livre, qui va le lire ? Il me semblait évident qu’il ne fallait ni être manichéen, ni flou. Il me fallait aussi assumer le sujet : la masse documentaire, le sérieux du travail de Philippe Saada, voilà sur quoi j’ai bâti mon travail. Le sujet reste sensible mais notre approche permet d’éviter la polémique.
Réitérerez-vous l’expérience du documentaire historique ?
Il semblerait ! Je travaille actuellement avec Benjamin Stora, grand spécialiste de la guerre d’Algérie, pour un ouvrage sur ce sujet… Encore une exploration des sujets sensibles de l’Histoire de France !
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