Verts
Un enfant vient au monde avec une feuille ayant pris racine dans son nez. Puis d’autres nouveaux-nés suivent. Et le phénomène se répand, sans hâte mais avec assurance, touchant bientôt l’humanité toute entière. Peu à peu des fleurs éclosent sur les corps, des membres deviennent branches, de l’écorce remplace la peau, les plus âgés retrouvent force grâce à la sèvre qui coule en eux. Les médecins conviennent qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Place alors aux coiffeurs-tailleurs, les plus à mêmes de s’assurer que les feuillages retombent avec élégance sur les visages. Mais des « pro-humains », voient l’apparition des « verts » d’un mauvais œil, et se radicalisent à grande vitesse…
Verts rappellera peut-être aux lecteurs Le Règne animal, sorti au cinéma en 2023, et dans lequel un père et son fils étaient confrontés à la transformation progressive d’humains en créatures animales. Les deux récits questionnent la place de l’Homme dans la nature, et sa réaction face au changement. Mais là où le film de Thomas Caillet relevait du drame post-apocalyptique, la bande-dessinée de Patrick Lacan et Marion Besançon choisit le merveilleux, le lyrisme… Et le récit choral. Il y a, entre autres, les parents du premier enfant à feuille ; Adèle, une fillette mutique s’épanouissant au contact des arbres ; Lucien et Gibril, un couple qui se remet de la maladie du premier ; le jeune Clarence, dont la mère est plongée dans le coma, et son père. Or, ce dernier, bouleversé par le chagrin, terrifié par le changement, se rapproche des « pro-humains »…
Le dessin de Marion Besançon, dont c’est le premier album, apporte la poésie nécessaire à cette fable écologique. Les instants où la mutation s’épanouit, en particulier, sont empreints d’une grande tendresse, grâce à son trait précis, inspiré du manga, et à la place donnée aux émotions. On peut regretter que la couleur n’intervienne que dans la dernière partie de l’ouvrage, auquel elle aurait apporté une autre dimension. Les autres séquences sont inégales ; le scénario, malgré des prémices et des personnages prometteurs, reste souvent en surface, à force de vouloir traiter trop de thèmes. Reste qu’une jolie douceur émane de ce récit d’anticipation lumineux et optimiste.
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