Visa Transit #1
Partir le plus loin possible, vers l’est. En 1986, quelques mois seulement après l’explosion de la centrale de Tchernobyl, Nicolas de Crécy et son cousin Guy décident de s’offrir une aventure. Ils retapent vaguement la vieille 2CV qui dort dans un jardin familial, et partent tracer la route, jusqu’à ce que le moteur rende l’âme. Les deux vingtenaires traversent un morceau d’Italie, la Yougoslavie, la Bulgarie, arrivent en Turquie… Ils rencontrent des marchands de tapis chaleureux, un berger comme sorti d’un tableau de Delacroix, admirent un village perché dans les arbres, ressentent la faim, la crainte de la police, manquent perdre leurs papiers…
Dans ce road-trip initiatique, ils croisent même un Henri Michaux casqué, poète à moto remonté comme un coucou suisse qui donne au dessinateur une savoureuse leçon sur les droits d’auteur… Nicolas de Crécy semble s’amuser à convoquer ses souvenirs — il ne s’est servi que de quelques photos —, et à creuser pour une fois une veine autobiographique (effleurée dans Journal d’un fantôme). Moins onirique que d’habitude, son trait n’en est pas moins riche et caressant, emmenant son lecteur dans des paysages délicats et précis. Avec humour, il fait même vivre le tacot qui les transporte, doté d’une bibliothèque et d’un jouet en guise de tableau de bord. Sa narration se fait carrément intimiste lorsqu’il évoque la colonie de vacances rétrograde où il était envoyé enfant — en compagnie notamment de son cousin Guy —, où lui était sévèrement inculquée une forte culpabilité, mais où il donna libre cours à son art, sculptant les mains d’une statue de la vierge (laquelle l’effrayait copieusement !). A peine nostalgique, ce premier volume de Visa Transit appelle une suite prochaine, impatiemment attendue.
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