Zep passe au plan X
Zep, c’était Titeuf. Soit un mouflet à mèche jaune très intéressé par la bagatelle, mais trop jeune pour consommer. Dans Happy Sex, l’auteur suisse passe la vitesse supérieure. En une ou deux pages, il raconte des expériences sexuelles souvent malheureuses, et toujours drôles. Comme celle de cet homme aux testicules bouillants, qui se fait surprendre par les voisins à les faire refroidir par la fenêtre, ou celle d’un vieillard qui gaspille un Viagra à 50€ parce que Bobonne est plongée dans le dernier James Ellroy. Inventif sur le plan du scénario, Zep se lâche aussi niveau dessin, faisant épouser à son trait humoristique les contours de sexes en gros plan.
Dans la cour de récré, Titeuf et ses copains parlent beaucoup de sexe. Là, vous sortez l’acte sexuel des imaginaires enfantins pour l’amener dans un monde adulte et plus cru. Pourquoi ce choix?
Je pense que j’ai atteint l’âge nécessaire… Non, sérieusement, le sexe est un excellent sujet de société, central, burlesque à souhait. Et j’avais envie de l’aborder de manière concrète depuis Les Filles électriques. Il fallait juste attendre que ce soit mûr.
D’où tirez-vous votre inspiration? De votre propre quotidien, de celui de vos amis, ou de magazines?
De tout cela à la fois. Certaines histoires sont autobiographiques à 90%, d’autres à 10%, d’autres encore inspirées de confidences… Je suis un auteur, donc un type qui exagère, invente… un menteur, quoi ! Mais, une fois que c’est dessiné, si le ton est juste, cela devient une histoire vraie.
Vous abordez la sexualité sous des angles très différents. Y a-t-il des limites que vous vous êtes fixées, aussi bien au niveau narratif que graphique ?
Non. Je suis resté dans une sexualité “quotidienne”, c’est-à-dire que je n’ai pas abordé des sexualités qui me semblaient plus insolites, comme les partouzes ou la scatophilie. En fait, la scatophilie, je la garde pour mes histoires avec Tébo !
Vous dessinez de façon anatomique et sans détour les sexes féminins et masculins. Vous êtes-vous beaucoup entraîné ? En replongeant dans des nus picturaux ou planches d’anatomie, par exemple ?
Pour le sexe masculin, j’en ai un sous la main ! Il faut surtout que ces organes aient l’air d’appartenir au même monde graphique que leurs propriétaires, et le réalisme est subjectif. Du moment que l’on y croit, ça marche.
Pourquoi avoir choisi de raconter chaque histoire en une ou deux pages? Le sexe se prête-t-il difficilement à des modes narratifs plus longs en BD humoristique?
C’est surtout mon mode narratif de prédilection. Le sujet s’est adapté à la forme, pas moi. Je suis de nature impatiente et j’ai besoin de dessiner une histoire lorsqu’elle est là, pas de passer six mois dessus…
Avez-vous eu la tentation de changer de style pour raconter des gags plus « matures », et accompagner ainsi la modification du propos par celle du dessin?
Non, je n’y ai pas pensé. Ce style est le mien et il me sert parfaitement pour raconter mes histoires. Un dessin plus réaliste aurait rendu la lecture vachement moins marrante !
Considérez-vous Happy Sex plutôt comme un album érotique, humoristique, ou un mélange des deux?
C’est un album d’humour. Mais s’il devient aphrodisiaque à la lecture, c’est bien aussi ! Le but reste toutefois de faire rire de notre sexualité, pas d’exciter.
Auriez-vous pu réaliser un album érotique sans visée humoristique?
Je n’en ai jamais eu envie. C’est un genre très ingrat. Il y a des auteurs immenses qui le pratiquent. Mais, à l’usage, on ne regarde dans leurs ouvrages que les scènes de cul, et on met Manara au même rang que des fascicules de gare à deux balles… La finalité de tout cela étant de se branler.
Comment l’idée de Happy Sex est-elle née ?
J’aime dessiner les relations qui dérapent, les foirades, les plantages… Le sexe est un domaine rêvé pour cela. Il est très souvent surinvesti, et on le veut artistique, sublime, réparateur, épanouissant, rassurant… Alors que les partenaires n’en attendent souvent pas la même chose. En plus, dessiner des zizis, c’est marrant.
Pourquoi l’avez-vous publié chez Delcourt ?
Ça fait partie de mon besoin de faire du tourisme éditorial. J’aime voir comment travaillent les différents éditeurs, quelle vision ils auront pour mon livre, quels choix ils feront. Je change à chaque one-shot.
Êtes-vous vous-même amateur de bande dessinée érotique ?
J’aime les albums de Manara, ceux de Magnus… Je suis un lecteur indiscipliné, je vais directement voir les scènes de sexe! Mais ce ne sont pas mes livres de chevet. Il y a toutefois des albums qui parlent et montrent le sexe de manière simple, intégrée au récit : je pense à Reiser, Martin Veyron, Gotlib… Et là, j’admire !
Happy Sex est un album à ne pas mettre entre toutes les mains. Jusqu’à quel âge le cacherez-vous à vos enfants?
Euh… La vraie question est : « Jusqu’à quel âge arriverai-je à le leur cacher ? » Il n’y a pas matière à les traumatiser, mais ce sera plus drôle pour eux de le lire lorsqu’il seront en âge de pratiquer !
Quels sont vos projets?
Actuellement, je réalise le long-métrage animé Titeuf. C’est un grand projet, qui va m’occuper encore une année.
Propos recueillis par Laurence Le Saux
_____________________________________
Happy Sex
Par Zep.
Delcourt, 14,95 €, le 14 octobre 2009.
Achetez Happy Sex sur Amazon.fr
Images © Zep 2009 / Guy Delcourt Productions
Votez pour cet article
_____________________________________
-
Jusqu’ici je connaissais Zep surtout par son Titeuf (que je n’achetais pas, car c’est une BD pour enfants!). Mais je sais que c’est une BD que les gamins adorent!!
Maintenant qu’il se paie une BD pour adultes, je vais pouvoir moi-aussi me payer un Zep!
-
Jusqu’ici je connaissais Zep surtout par son Titeuf (que je n’achetais pas, car c’est une BD pour enfants!). Mais je sais que c’est une BD que les gamins adorent!!
Maintenant qu’il se paie une BD pour adultes, je vais pouvoir moi-aussi me payer un Zep!
-
Je vais acheter une BD titeuf pour mon noël.
Commentaires